Des goûts et des couleurs
L'espace qui nous entoure est en permanence parcouru par des ondes radio dans un large domaine de fréquences, ondes courtes, ondes longues, AM, FM. On aura compris que je ne fais pas là allusion au flot d'ondes que le Cosmos, truffé d'« émetteurs », déverse à profusion, mais à ce réseau d'ondes propagées par des stations artificielles. Aujourd'hui, il n'est pas un point de la surface du globe qui ne puisse en recevoir. Avec un récepteur et une antenne, vous pouvez, à l'intérieur de cet enchevêtrement, sélectionner votre station préférée. Il y a longtemps qu'il n'y a plus rien d'extraordinaire à cela, c'est du quotidien, un « prodige » devenu, comme tant d'autres, partie intégrante d'un environnement banalisé. Parce que, par le truchement d'un récepteur, ces ondes impalpables deviennent perceptibles par nos sens « conventionnels », la question de leur réalité ne se pose même plus, alors que, sans antenne et sans décodeur de ces modulations, nous sommes bien incapables de percevoir cette maille serrée des ondes radio dans laquelle nous baignons. Nos sens ne sont pas « réglés » pour. Imaginons un instant que les ondes radio et télé soient affectées de couleurs en fonction de leur longueur d'onde (1). Que verrions-nous ? Rien, ou plus exactement, rien que du blanc, car il y aurait tellement de couleurs superposées que seule une résultante blanche serait visible (2)
De jour comme de nuit, plongés dans une blanche opacité. Mais nos sens sont insensibles à cet encombrement de l'espace (sauf le sens des affaires des radiodiffuseurs qui doivent jouer des coudes pour obtenir une fréquence d'émission). Comme pour la réalité du magnétisme : pas de gnosie pour les ondes radio. Les seules ondes qui nous soient directement perceptibles ce nous parle seulement pour l'espèce homo sont les ondes sonores et les ondes lumineuses pour lesquelles nous disposons de récepteurs et de médiateurs spécifiques qui en assurent une traduction sensible.
L'oreille est le récepteur des ondes acoustiques l'information est déjà ancienne et la cochlée est l'élément qui assure la « traduction » d'une gamme des vibrations du milieu ambiant en sons « interprétables ». Sans décodeur, le bruit n'est que lacis d'ondes entrechoquées. L'arbre qui tombe dans la forêt ne fait que secouer l'air; le craquement ne sera signifié qu'à la sortie d'un démodulateur auriculaire. Sans auditeur, l'arbre tombe sans bruit; sans diode et sans ampli, le son laser n'est que rayon de lumière haché.
Dans l'obscurité des eaux chaudes des oasis abyssales, les couleurs « résonnent » par le truchement de capteurs qui n'ont rien d'anthropiens, et la coquetterie du crabe blanc aux pinces noires n'est pas destinée à exciter la rétine d'un intrus médusé coincé dans son bathyscaphe dont le coup d'œil en ces lieux inactiniques relève de la divergence de vues.
Tous ces récepteurs de vibrations, ces capteurs de quanta, appréciés comparativement à « la référence » homo, peuvent paraître beaucoup plus rudimentaires chez des espèces « inférieures », mais ils peuvent aussi être beaucoup plus performants chez des espèces qu'il conviendrait alors, par simple équité, de qualifier de « supérieures ». Si les performances sensitives devaient être le critère de classement des espèces animales, l'humain au moins dans sa version occidentalisée, celle dans laquelle je me reconnais, celle qui s'arroge le droit de classer et de ségréguer ne serait pas en tête du palmarès. À l'épreuve des sens, il serait loin du podium.
Parmi les mammifères, l'homme est l'un des moins performants quant aux aptitudes de décryptage auditif. Le fidèle compagnon, pour bête qu'il soit, intercepte une gamme de fréquences plus large que l'oreille de son maître. Incompris de ces mêmes humains, qui s'ingénient à communiquer avec le Cosmos, le chant des baleines dépasse le simple cadre d'une communication de voisinage pour embrasser le champ panocéanique. Quant à la vue, il y a longtemps que l'œil perçant de l'aigle, l'acuité du lynx ou la discrimination nocturne du hibou auraient dû ramener notre vision per se à de plus justes proportions.
Fine gueule lorsqu'il a le nez dans son assiette, l'odorat de l'homme, son flair, ne s'exerce qu'en milieu plutôt confiné. Le loup, mais aussi son congénère dégénéré, suit une trace olfactive sur des lieues, le tigre des mers détecte l'odeur du sang à des dilutions homéopathiques. Et que dire de l'odorat phéromonal du bombyx, le papillon du ver à soie, qui capte sur ses antennes olfactives le voisinage d'une femelle dans un rayon que même la voix ne parcourt pas, ou encore de l'odorat-mémoire du saumon qui, en banc, après quelques années et un périple océanique de plusieurs milliers de kilomètres, a retrouvé le chemin de sa rivière natale, la seule où il aura le goût de frayer et de mourir sans avoir pris le temps de vieillir. Ces odorats, au nez de l'observateur subjugué par la performance, flairent un parfum de magie, magie qui en l'occurrence pourrait bien receler quelques accents de résonance.
Notre homo, si plein d'ego, de ses cinq sens fait grand cas, mais dans chacune des activités sensorielles il trouverait meilleur que lui, voire, trop peu équipé ou trop peu entraîné, il ne ferait que figurer face à des spécialistes dotés, stricto sensu, d'instinct. Sens magnétique de l'abeille qui rehausserait un sens de l'orientation plutôt circonscrit, sens de l'écholocation de la pipistrelle qui permettrait d'éviter bien des obstacles, sens du champ électrostatique de la torpille qui laisserait plus d'un médium sans voix, sens du temps des oiseaux, de tous les temps, celui, imperturbable, qui passe pour ne pas revenir, comme celui qui oscille entre la pluie et le beau temps, donc aussi sens des variations de pression et de température, ici et au loin [16], qui ferait bien l'affaire de nos météorologistes encore si souvent réduits à conjecturer.
Le sens de ces réalités sensitives est encore très vif là où le lien avec l'esprit de la Nature est demeuré présent. Au cœur des Premières Nations de la côte Pacifique du Canada et du sud de l'Alaska, chaque clan marque sa spécificité en s'identifiant par le nom d'un animal vénéré pour son agilité, pour sa ruse ou pour sa force. Aigles Haida, Loups Tlingit, Orques Tsimshian
La vénération est ici dénuée de toute bigoterie, elle est le respect de caractères supérieurs. C'est encore ce même respect qui préside au choix du totem lors du baptême d'une nouvelle meute de scouts ou de louveteaux.
Quant à l'épreuve du sixième sens, là, c'est la surprise. Il y a du potentiel. Peut-être parce que ce sens, l'intuition, ne prend pas sa source dans la strate profonde de l'instinct. Et ceci doit expliquer cela, car, à la décharge de ce raisonneur sensuel, il faut faire valoir que tous ces bêtes spécialistes des sens, pour être aussi sensationnels, bénéficient d'un avantage certain. Ils disposent d'un instinct nu, en prise directe avec son milieu d'action, un instinct qui n'a pas été emmailloté dans des couches pulpeuses qui absorbent l'influx essentiel. Ainsi affublé, le « maître de la création », engoncé dans cette ouate neuronale qui trahit sa jeunesse, doit faire face à une autre épreuve particulièrement délicate, sans doute la plus difficile, mais aussi la plus prestigieuse : l'épreuve du bon sens.
La barre est placée assez haut
Inaccessible ? Les pratiques d'entraînement restent à revoir, l'esprit d'équipe à reconsidérer
Cahin-caha, l'apprentissage se poursuit. En l'état des symbioses hémisphériques la droite-gauche méningée, mais aussi la nord-sud obstinément paupérisante un pronostic quant aux aptitudes de cet en-devenir serait prématuré, surtout qu'un avortement est toujours possible. Il n'y a aucun pari à prendre là
seulement à participer : pas un qui ne soit impliqué. Qu'à terme, cet homo à venir se découvre plus humain qu'anthropien, plus sapiens que credens, ne relève pas plus du hasard que de la précarité
seulement d'une gestation sensée.
Est-ce de l'assuétude ou de l'accoutumance ? Toujours est-il que ces ondes, dont nous n'avons le sens que par truchement, mais qui, néanmoins, sont le principe maillant d'un très vaste réseau de communication, par leur influence d'abord, puis par leur banalisation, sont parvenues à chambouler la tenace perception terre à terre de la matière qui prévalait dans l'esprit « occidental ». Petit à petit, la réalité, qui sait se montrer pragmatique, grignote le tangible, se déplace vers l'impalpable, se rapproche de l'immatériel, devient nouménale.
L'interprétation est toute relative. Des ondes, il y en a de toutes sortes, et pas que des radiophoniques aux énergies doucereuses. Quand E = m.c2, les énergies deviennent tonitruantes, le déferlement des ondes prend des allures de champignon, le nouménal redevient phénoménal.
Avertissement Pour les besoins de la cause le dépistage d'influences subtiles , je vais introduire trois courtes digressions à propos de la résonance, de l'électromagnétisme et de la transmission des influx nerveux
(Quand une page à l'accent quelque peu magistral celle qui devait s'insérer ici vient à tomber sous les yeux d'une fantaisiste malicieuse, cela agrémente l'échange de quelques passes imprévues.
Des digressions ! N'importe quoi ! C'est l'essence même du sujet.
Vraiment ? Il n'y a pas si longtemps, quand on a commencé à farfouiller pour retrouver les plaisirs oubliés du bachotage sur le dos de l'électromagnétisme, tu te demandais si c'était du lard ou du cochon.
Justement, à annoncer comme ça des sujets aussi bachotiques, beaucoup vont faire l'impasse de crainte d'une indigestion. Préviens plutôt qu'il s'agit d'une distillation, et que si dans la décoction baignent des racines, l'essentiel est dans le parfum de l'esprit qui perlera au bout de l'alambic.
Tu voudrais par exemple que je fasse passer le magnétisme pour de la mandragore et la résonance pour de la gentiane gorgée de l'écho des montagnes.
Voilà, en élixir, c'est déjà mieux. Avec la mandragore, on ne peut pas se tromper. Ça sent le vieux grimoire, et seuls les sorciers connaissent ses vrais pouvoirs. Et surtout, retire toutes les équations si tu ne veux pas faire de ce micmac une potion pour gauchers.)
Ainsi donc
les quelques éléments de physique et de physiologie qui suivent ne servent qu'à illustrer l'existence de certains phénomènes reconnus qui portent le label de l'« authenticité scientifique ». Aussitôt lus, on pourra facilement en oublier tous les éléments qui auraient pu paraître rébarbatifs pour n'en conserver que les aspects anecdotiques ou sympathiques, car, compte tenu des implications possibles de ce que vous allez découvrir, je ne voudrais pas vous exposer au sort du mille-pattes de cette fable chinoise (3) :
Le mille-pattes était heureux, très heureux,
Jusqu'au jour où un crapaud facétieux
Lui demanda : « Dis-moi, je t'en prie,
Dans quel ordre mets-tu tes pattes ? »
Cela le préoccupa tant et tant
Qu'il ne savait plus comment faire
Et qu'il resta immobilisé dans son trou.
La résonance, principe d'harmonie universel
Vous avez sûrement déjà entendu dire que pour faire traverser un pont suspendu à une troupe qui marche au pas cadencé, il était indispensable de faire rompre le pas avant de s'engager sur le pont pour ne pas encourir les effets d'un phénomène aux causes maintenant bien connues : la résonance.
Peut-être bien connu, mais de quoi s'agit-il ?
Ce type de structure un pont, soit un tablier tendu entre deux piles possède une fréquence naturelle qui résulte de la combinaison de différents facteurs dont le plus important est en relation avec la longueur entre les deux points fixes principe de la corde de piano. Lorsque l'environnement d'une telle structure (l'air y compris) lui transmet les ondes produites par une source de vibrations dont la fréquence est en rapport avec sa fréquence naturelle, la résonance s'établit et la structure entre à son tour en vibration. Dans le cas du pont et de la troupe, il suffit pour cela que la fréquence du pas cadencé soit une harmonique (c'est-à-dire un multiple) proche de la fréquence propre au pont pour que celui-ci entre en résonance et soit alors parcouru d'oscillations qui peuvent entraîner sa rupture.
J'ai revu récemment cet ahurissant film d'actualités de 1940 qui montre la désagrégation du "Tacoma Narrows Bridge" dans l'état de Washington, aux États-Unis. Ce grand pont suspendu de huit-cent-cinquante mètres de portée, solidement charpenté, aux allures de stabilité à toute épreuve, est entré en résonance le jour de la tempête du 7 novembre, sous l'effet de fréquences harmoniques portées par
le sifflement du vent. Après une série d'oscillations invraisemblables, le pont s'est disloqué comme une vulgaire passerelle de bois (4).
La résonance est plus qu'un phénomène, c'est une propriété essentielle qui s'attache à toute structure porteuse d'éléments aux caractéristiques ondulatoires ou vibratoires. Comme dans ce registre on peut commencer à répertorier dès le niveau de l'atome (sans encore préjuger des caractéristiques des niveaux « inférieurs », subnucléaires), on aura vite fait d'englober le peu de tout ce qui dans l'Univers n'est pas vide
et encore, dans ce vide aussi grand que le tout, frayent les ondes émises par l'apparence de plein.
Le spectre de la résonance ne connaît pas de limites. Toutes ces ondes électromagnétiques, ces vibrations dont la lumière fait partie qui viennent, de près ou de très loin, solliciter « nos récepteurs », naturels ou artefactuels, entrent dans la danse de ses arabesques d'harmonie.
L'acoustique, jouant avec les ondes sonores ondes véhiculées par le milieu ambiant (qu'il soit gaz, liquide ou solide), et non au travers comme le font les ondes électromagnétiques qui, elles, se propagent aisément dans le vide (c'est même leur milieu de prédilection) , l'acoustique donc, des propriétés de la résonance a tiré des lois et produit des techniques élaborées. Merveilles capables de fendre l'âme ou de briser le cristal. Avant de connaître la sophistication et de faire dans la « haute technologie », l'acoustique, naturelle et sans lois, jouait déjà de la résonance dans des registres parfaitement harmoniques. Orphée, orfèvre en la matière, fit sonner le premier luth dont le corps était une carapace de tortue, cadeau d'Hermès, le dieu inventeur des sciences qui avait découvert la résonance en frappant sur l'enveloppe vide. La lignée sera féconde et parfaitement évolutive, une évolution qui sera celle de la fantaisie des goûts pour de nouvelles sonorités. De quelle facétie est née la viole d'amour ? Deux rangées de cordes superposées, l'excitation de l'une entraîne la résonance de l'autre
tout seul le son se double.
Dernière frénésie d'harmonie, celle des ménestrels joueurs d'octet, monteurs de puces. Génération synthétiseur.
Au gré de l'évolution des goûts et des mœurs, certaines espèces ont disparu, d'autres, parfaitement gaillardes, restent dans le coup. Tamtam, tambour et caisse : cœlacanthes de la résonance. Cette évolution-là pas plus que l'autre d'ailleurs ne doit rien au hasard, c'est une affaire d'époque, une mode de résonance.
Parmi ces figures de résonance au rythme endiablé, il m'a semblé apercevoir que certaines dissimulaient quelque secret d'harmonie dont la source devait être profondément cachée. Dans les structures les plus intimes, au cœur du cœur de l'atome, la caresse d'une vibration singulière libère toute retenue. Longtemps contenue, n'attendant que l'occasion d'une résonance complice, l'énergie se dissipe.
Trois doigts pour le bon sens
Dans les dernières années de mes études secondaires, mon goût pour la physique, un goût qui ne s'était pas toujours accommodé de l'aridité des pans inclinés aux formules sinusitées, s'est trouvé excité par un sujet sans corps. Deux raisons à cette passion. Indissociables. La première était liée au côté rigoureux de ses lois qui en faisait une science « vraie » avec des applications pratiques. La seconde émanait du côté fascinant, quasiment magique, des forces mises en jeu, pas des forces seulement accessibles à quelques savants sourcilleux, mais des forces avec lesquelles tout le monde pouvait jouer. Toujours aussi impalpable, l'électromagnétisme de mes premières amours fait encore les beaux jours des candidats au baccalauréat.
En réalité, il manque une troisième raison à cet engouement, raison qui, alors, fut sûrement la première : la personnalité de cet enseignant et, pourquoi ne pas le dire cela se rencontre parfois dans les écoles, et plus souvent qu'on ne le pense , son charisme. Il avait le tour pour donner du relief au moindre sujet, fut-il aussi banal qu'une loi d'Ohm ou plus soporifique qu'une électrolyse.
Le magnétisme, phénomène aujourd'hui classé naturel, n'a réellement suscité un intérêt de la part des scientifiques que lorsqu'il est apparu comme un corollaire au domaine encore tout neuf de l'électricité. Antérieurement, sans le support d'une loi vulgarisatrice, ses manifestations passaient pour être apparentées à des pratiques surnaturelles, des pratiques suffisamment occultes pour permettre à certains « charmeurs » de se tailler une renommée à bon compte. La petite histoire de l'astrologie raconte que Nostradamus (5) n'aurait pas dédaigné en user pour asseoir son prestige aux yeux de Catherine de Médicis. Mais quand, en 1600, le médecin-physicien William Gilbert (6) renoue avec les concepts atomique et électronique de la matière concepts qui avaient déjà été ioniens , tout fasciné qu'il ait pu être par les manifestations du magnétisme et des corps électrisables, il était loin d'imaginer le destin de l'électromagnétisme.
Ce terme générique, électromagnétisme, ne fait que signifier qu'électricité et magnétisme sont intimement associés. L'un ne va pas sans l'autre. La circulation d'un courant électrique dans un conducteur engendre un champ magnétique autour de celui-ci, et, réciproquement, un courant induit apparaît dans un circuit lorsque le flux magnétique environnant varie.
Après le débroussaillage effectué par Laplace, le champ électromagnétique, travaillé par des curieux comme Maxwell et Lorentz (7), allait produire sa moisson d'équations législatives propres à percer jusqu'aux secrets de la lumière. Ne voilà-t-il pas que même les aurores boréales, que l'on drapait d'une aura mystérieuse et qui étaient interprétées comme des messages des dieux, sont devenues des phénomènes naturels, quasiment prévisibles, car associés au cycle des éruptions du Soleil et à l'interception de ses vents ioniques sur le bouclier magnétique de la Terre. Et, tout aussi naturelle, bien qu'imperceptible sans une technologie appropriée, une particularité qui était restée inconnue faute de communication simultanée, la gémellité des aurores polaires, boréale et australe. Le Naturel recèle les secrets de la féerie.
Avec l'observation et la compréhension des manifestations de l'électromagnétisme, l'esprit des lois a donné lieu à toute une série de promulgations pour le plus grand plaisir des ingénieurs avides de curiosités à mettre en équation pour mieux les mettre en boîte. La force électromagnétique est vite devenue une star. Mais alors ! quoi de plus empirique que la détermination de la direction de cette force !
De quoi s'agit-il ? Si l'objet de la loi de Laplace est de traduire en termes mathématiques l'intensité de cette force, la règle des trois-doigts-de-la-main-droite permet d'en préciser la direction. La recette est la suivante. Mettez votre main droite devant vous. Si le pouce représente l'élément où circule le courant (a), l'index, pointant vers le haut (b), donne le sens du champ magnétique. Vous pouvez alors, sans erreur, déduire le sens de la force électromagnétique : c'est celui de l'axe du majeur qui pointe vers vous (c). Cela marche très bien, et aucune expérience n'est encore venue infirmer le phénomène. Si le truc est simple, il ne prémunit pas du stress qui, le jour du bac, vous fait bidouiller le sens recherché avec la main gauche.
Ce que ne dit pas, et ne dira jamais, la loi de Laplace, c'est pourquoi, sur la Terre et il y a lieu de croire dans tout l'Univers , ce type d'interactions est régi par ce sens
À mieux y regarder, c'est la question elle-même qui n'a pas de sens, car si, pour quelque motif que ce soit, l'autre sens s'était trouvé en vigueur (amusant, alors, les étudiants avec la main gauche plutôt qu'avec la main droite), c'est la même question qui se serait posée
sans plus de sens !
La découverte de telles Règles d'Ordonnance qui président à l'agencement stéréospécifique des structures de l'Univers n'est pas le propre de la seule physique, on en trouve bien d'autres exemples, notamment en biochimie où de telles règles sont à la base de l'architecture des structures moléculaires qui constituent les systèmes vivants (la double hélice aussi a un sens).
De courts circuits en grands courants
Un être vivant, en tant qu'entité, peut être considéré comme un complexe qui associe intimement des structures organisées et qui s'assure de leur complicité au travers d'un réseau circulant d'informations. Pour les organismes les plus simples, constitués d'une ou quelques cellules, la communication se fait sur un mode de voisinage, de « bouche à oreille ». Dès que l'assemblage prend un tour plus architecturé, l'efficacité de la transmission impose le recours à un média spécialisé. La gamme va d'une chaîne simple avec quelques connecteurs branchés en série, au système interactif structuré en réseau.
Pour en savoir un peu plus long sur ce mode de communication, la physiologie braquant ses antennes a scruté les transmissions d'influx nerveux. Sans aller plus avant, il nous suffira de savoir qu'il s'agit bien des courants électriques et qu'ils sont véhiculés le long de conducteurs spéciaux, les neurones, qui n'ont rien du banal fil électrique.
Cette propriété à générer des courants électriques l'électrogenèse se retrouve au sein de tous les organismes vivants, animaux ou végétaux. Cette manifestation de l'activité cellulaire témoigne du fonctionnement de la communication entre les cellules, entre les organes (8)
L'électroencéphalogramme plat, soit l'absence d'activité électrique au niveau du tissu cérébral entre autres, centre coordinateur de ces communications , est, de nos jours, le signe clinique le plus probant pour déterminer la déconnexion physiologique d'un individu.
Pour mémoire
Voilà pour les digressions.
De la résonance, je retiendrai : petites causes, grands effets. Un système vibratoire peut être excité et atteindre une grande amplitude sous l'action d'ondes de fréquence voisine ou harmonique de sa fréquence naturelle.
De l'électromagnétisme, je conserverai les rudiments suivants :
1) la circulation d'un courant induit autour du conducteur un champ magnétique;
2) un circuit parcouru par un courant se trouvant dans un champ magnétique est soumis à une force électromagnétique.
Quant à l'électrophysiologie, je la réduirai à : les organismes vivants sont en permanence le siège de courants électriques.
Syntonie auraculaire
L'existence des champs magnétiques de l'éther harmonieux est devenue une réalité physique confirmée, le terme à la mode serait incontournable. Les capacités de réception s'étant aiguisées, les étoiles se sont révélées grandes pourvoyeuses d'ondes en tous genres, grandes dispensatrices de champs bigarrés.
Ces champs n'ont rien de figé, ils évoluent, ondulent, virevoltent sous la houlette d'un ensemble de facteurs dont on n'a encore qu'une connaissance plus spéculative que simplement théorique. Mais qu'importe, la magie du spectacle est là, et ne pas en comprendre les ressorts ne doit pas, bien au contraire, empêcher de l'observer avec la pointe de fascination qui attise la curiosité
cette curiosité qui pousse à ausculter l'inconnu et sans laquelle les découvertes ne seraient que rêves et phantasmes.
À l'intérieur du système solaire, la circulation des différents astres contribue à moduler le spectre de l'ensemble. À chaque instant, le champ magnétique intercepté par la Terre est modifié. En un point donné, à un moment donné, c'est la résultante d'un ensemble de fluctuations qui est « perçue », et, autre lapalissade, d'un point à l'autre du globe, il n'y a jamais eu, il n'y a pas, il n'y aura jamais deux configurations « magnétiques » identiques.
Or donc, les organismes vivants, puisqu'ils sont parcourus par des courants électriques, génèrent des champs magnétiques et, visibles ou pas, on peut, sans plus de présentations, les appeler l'aura. Simultanément, ces « assemblages électromagnétiques » se trouvent « immergés » dans la résultante des champs magnétiques de la Terre et du système solaire (on pourrait ajouter de la Galaxie, et pousser jusqu'à l'Univers).
De mon initiation, j'avais retenu cette formule : « Tu es une antenne qui cherche à trouver l'accord avec ses fréquences harmoniques au travers du brouillage. » Plus tard, un peu plus documenté, j'ai réalisé que cette caractéristique d'antenne n'avait rien de bien original, qu'elle était très partagée, même fort répandue, pour tout dire, que c'était sûrement l'une des plus communes de la matière dans toutes ses formes.
La réalité, dans l'espace restreint de ses manifestations intelligibles, a maintes fois outrepassé la fiction issue des extrapolations parascientistes faites dans l'air du temps. Aussi, avancer qu'un individu, compte tenu de ses seules propriétés électrophysiologiques (il y en a bien d'autres qui parleraient dans le même sens), constitue une véritable antenne n'aura rien d'un scoop révolutionnaire. Antenne dont les caractéristiques sont, intrinsèquement, autrement plus signalétiques que celles d'une empreinte, même digitale
Et une antenne, galénique, parabolique ou organique, sollicitée par des flux impalpables, sélectionnera, syntonisera des « émissions » spécifiques
Encore faut-il qu'elle soit bien orientée
ou disposée.
Les pièces à conviction recueillies sont trop peu nombreuses pour aller s'enfarger dans une glose superflue. Aussi, juste sur l'assomption que tout organisme est le siège d'un champ « individuel » son aura , sans avoir à trop argumenter on donne ici dans le registre spéculatif , on peut supputer sur l'existence d'effets de résonance entre ce champ particulier et le champ planétaire, champ dynamique, stable dans ses grandes lignes, grouillant dans ses pixels. La fantaisie du concept autorise une infinité de cas de figures, avec des effets de résonance fugaces ou persistants, discrets ou très actifs.
C'est ainsi que l'on peut découvrir, camouflée derrière la facilité apparente de la syntonie, la complexité du lien entre l'individu et le champ universel complexité apparente, car, encore, dépourvue de solutions rationnelles. Pour résoudre ce genre d'irrationnel insoluble dans les équations, il est courant de se répandre dans la solution miracle, celle qui s'accommode de racines passe-partout, la solution théosophique. Autre solution, vieux dérivé de la divine potion mère, souvent prise en adjuvant : la carte du ciel, rosace divinatoire. À chacun ses trucs
je m'accommode mieux de la magie du clair de lune et des couleurs du couchant.
Et autre virtualité, dans le genre je-t'aime-moi-non-plus si l'antenne que constitue un organisme vivant est réceptrice, ses mêmes propriétés électromagnétiques en font également une antenne émettrice. Émetteur, récepteur
les deux vont de pair. Mais alors, faudrait-il aussi supputer que des interactions s'établissent, se syntonisent, entre les êtres, que des attirances ou des répulsions en règlent les rapports ? Serait-il possible qu'il existe des affinités entre certains individus, que des liens puissent s'établir, créer un réseau ? Serait-il possible que l'histoire des atomes crochus, revue à la lumière de la résonance et des vibrations qu'elle engendre, soit plus qu'une métaphore racoleuse ?
La réponse que vous donnerez à ces questions sera de la même essence que celle de la compréhension de ce qui unit l'humain au Cosmos (Cosmos s'affirmant être synonyme de Nature) ou de ce qui l'enracine dans un monde chthonien les deux propositions ayant plus que des similitudes.
Entre Léon et Sigmund
Interaction pour interaction, si au moment de ma naissance un agencement de flux bizarres et bigarrés, planétaires, galactiques ou cosmiques m'imprégnait de ses ondes magnétiques ou chimériques, ce champ composite ne pouvait pas ne pas intégrer également quelques trains d'ondes à dominante locale particulièrement marquées et marquantes, des ondes propres à graver une empreinte profondément syntone. Le giron maternel, vous expliqueront les interprètes de l'Œdipe, laisse une trace qui résonne bien plus longtemps qu'une rémanence jovienne. Question d'intensité, question d'échelle. D'un côté, on interprète des trains d'ondes aux émetteurs distants, alors que de l'autre, on débrouille les nœuds, les interactions emmêlées d'émissions de voisinage.
Question de sensibilité. Question de relativité. Comportement occulte du pendule de Foucault ou composantes de la psyché selon Freud. Les ébats, passionnés sous l'empire du charme ou violents sous l'emprise des humeurs, engendrent-ils, localement, des courants plus énergétiques que ceux d'un évanescent champ de Mars en carré ou en quinconce ? Allez savoir. Les psys décortiquant votre psyché prétendront y retrouver la trace des pulsions émotionnelles qui accompagnaient la copulation génitrice; les astrologues percevront, dans ces mêmes pulsions, la rémanence de l'environnement astral qui imprégnait chacun des protagonistes. Où est la différence ? Il s'agit toujours de syntonie.
Le physicien des particules battait froid l'astronome. Ils ont fini par se rendre compte qu'ils étaient engagés dans la même quête. Ils se sont associés au bénéfice de l'astrophysique, et de cette convergence est sorti le brillant modèle qui, en attendant le prochain, remplit l'Univers d'étoiles nucléaires, matrices à tout faire.
Le psy, sérieux, aujourd'hui n'a cure des fariboles de l'astrologue. Alors, l'association astrologie-psychanalyse déjà expérimentée dans certaines officines se fera, elle, pour quel bénéfice ? Pour celui des générations conçues in vitro ? (Auparavant, les praticiens de la carte du ciel devront avoir accordé leurs violons quant à un contentieux essentiel, pour ne pas dire existentiel, né sur le bien-fondé de fixer le « thème » en fonction des influences captées à la naissance, car, de plus en plus, certains entendent privilégier le moment de la conception, l'instant déterminant de la fusion des gamètes. Sur la pertinence de l'affaire, la petite histoire de France une fois encore témoigne : le temps de la conception du futur Roi Soleil aurait été « arrangé » par les astrologues du Cardinal, convaincus, par cette entremise généthliaque, d'œuvrer dans l'intérêt du pays.)
Mirages magnétiques
Voilà toute une palette d'éléments qui ne demandent qu'à être associés. Bien mixés, dans une élégante synthèse, nous aurions presque assez d'ingrédients pour servir une conjecture présentable
Une conjecture ? Des virtualités !
Nous avons entr'aperçu ce qu'il en était de la recherche sur le magnétisme des astres. C'est un domaine encore neuf, perçu comme essentiel par la communauté des physiciens et astrophysiciens, qui est appelé à progresser rapidement, notamment avec le développement de la recherche spatiale. Autant dire que c'est du sérieux.
En ce qui concerne le magnétisme induit par les courants électriques qui parcourent le corps humain, les recherches dans ce domaine sont encore anecdotiques et relèvent quasiment de l'ésotérisme (9). Et pourtant, n'en doutons pas, des découvertes et des applications majeures verront là le jour dans un avenir proche
en Occident, car en Orient, il y a belle lurette que cette circulation a conduit à des thérapies incontestables, thérapies au rang desquelles figure l'acupuncture que les doctes praticiens assermentés dans la foi d'Hippocrate ont longtemps ravalées au rang de pratiques occultes.
Quant à échafauder de vibrants scénarios sur les effets de la résonance entre le champ astral et le champ individuel, cette perspective relève encore du futurisme. Ce qui ne veut pas dire loin de là que de telles occurrences n'existent pas. Existence n'a jamais eu connaissance pour corollaire; croyance, en revanche, a toujours bien été celui d'ignorance.
Fantaisie, phantasme ou fiction. Toujours est-il qu'il y a bel et bien derrière cette extrapolation du concept de résonance la quiddité d'une réalité inconnue et que, le moment venu, elle démystifiera nombre de phénomènes incompris. La transmission de pensée (ou télépathie), la radiesthésie, la télékinésie, reléguées dans la marginalité d'un domaine qualifié de paranormal, pourraient bien y trouver de quoi convaincre leurs détracteurs épris de rationnel, mais aussi
confondre les tenants du surnaturel. Ou encore, autre domaine que je subodore comme subordonné au principe de résonance et ce domaine est en pleine expansion, car la raison du profit prime toute autre considération, y compris celle de la connaissance , l'homéopathie, régie plus par l'empirisme que par le rationalisme, a bien des chances d'y découvrir le secret de ses fondements : vibrations d'un rien amplifiées à la mesure d'un tout.
De l'atome à l'Univers et ces deux termes ne fixent pas deux extrémités l'harmonie circule en liberté. Entre science et magie, la baguette de coudrier n'a pas encore révélé la source de ses pouvoirs (pour le plus grand bénéfice des sourciers et des radiesthésistes qui ne dédaignent pas à passer pour plus sorciers qu'ils ne sont).
L'Eau-de-vie se boit à la pleine lune
Dans l'imagerie des allégations déballées pour se complaire dans le propos de l'hermétisme, la part belle a été faite au magnétisme. Il est vrai qu'en l'état des influences cosmiques identifiées, celles de ce type, quoique encore passablement occultes et hors les lois, figurent au premier rang des candidates, mais on ne peut exclure l'existence d'autres composantes non encore démasquées, agissantes bien qu'insoupçonnées
La pantoufle de vair n'a pas encore été chaussée
et Stella a plus d'un tour dans son sac à délices.
Des lois, puisqu'il faudra bien compenser un instinct déficient, viendront en leur temps, et, suivant une procédure devenue classique, une « fumeuse » théorie unificatrice s'ensuivra. Mais de cette loi et de cette théorie, forgées au feu d'une raison servile, l'intuition, portée par le zéphyr de la déraison, saura s'en passer. Qu'importe si la nature des influences n'est pas magnétique, qu'importe si le lien avec ces influences s'établit suivant des règles inconnues. Je ne dispose pas des éléments décrypteurs pour les interpréter, mais cela ne m'empêche pas d'avoir suffisamment de sensibilité pour percevoir ma destinée comme reliée à celle des éléments avec lesquels je communique.
Un regard, un sourire sont porteurs de vibrations. Un rayon de lune aussi. Reçues comme harmoniques, la résonance amplifiera leurs effets bénéfiques, dissonantes, elles seront source de tensions. Le truisme « la musique adoucit les mœurs » ne fait que dire que certains agencements harmoniques trouvent l'accord avec la corde sensible et, partant, sont capables d'influencer « heureusement » le comportement. La cacophonie, en tapant sur les nerfs, aussi influence
« malheureusement ». Effet papillon, effet magnéton, turbulence des vents, pétulance d'incognitons
La danse des influences.
Le plus râlant dans cette histoire, c'est le temps gâché à patauger pour retrouver la voie primitive, celle que nous suivions avant de nous être égarés pour avoir rejeté le sens de l'orientation, pour avoir relégué l'intuition au rang de sens inconsistant, imaginaire, au rang d'un sens que l'esprit de la mâlitude, l'esprit « biblique », a cru pouvoir ravaler en l'affublant du label « sens de bonne femme ».
On cherche. On s'égaille. On fait commerce de l'aléatoire. Précarité. Il n'y a rien là. Alors, escapade.
Escapade en compagnie de deux filles de Mnémosyne (10), deux sœurs souvent confondues, Imagination et Intuition. Si j'en crois le « compte rendu » de Virgile, cette voie-là réserve des joies autrement plus envoûtantes que les acrobaties d'un parcours législatif forcené. Voie de l'errance, que d'aucuns préfèrent nommer la quête, voie archétypique, instinctive, de la recherche vagabonde dans la complexité des affinités éparpillées. Pour être universelle, car chargée du souffle dispersant, l'errance est bien humaine.
Rivé sur l'instinct originel, guidé par l'intuition, manipulant la raison avec circonspection, j'avance dans la nuit, je traverse le désert, j'écoute, je sens, je vis, j'apprends mon corps, j'apprends mon âme.
À l'aube, vers le Levant, au cœur de l'oasis abandonnée, le premier rayon du Soleil est venu irradier le puits des vérités.
Encore quelques pas.
Entre le rêve et le désir, je t'aperçois dans la lumière remontant une outre ruisselante.
Encore un pas.
Partagerais-tu de cette eau ?
La Lune sera bientôt pleine.
Je vais tendre la main.
Rencontrera-t-elle le vide d'un mirage ou la chaleur de ton âme ?
Entre noir et blanc
la couleur
À propos de l'intuition, il a été dit plus haut (Face à face avec une loi canonique dans Un vol de goélands ) que s'il était possible de la faire partager à quelques-uns dans un contexte particulier qui était qualifié de contact harmonique, il était dit également que l'adhésion du plus grand nombre ne pouvait se faire qu'au travers d'un intermédiaire structuré et dûment accrédité : une loi.
Rendu à ce stade dans cette « recherche » quant à notre dépendance dans un rapport subtil avec notre environnement l'éther des Anciens, mais aussi le jardin du voisin , les cadres dans lesquels peuvent s'inscrire les options personnelles ne sont pas légions. En délaissant les nuances, qui, il est vrai, accompagnent avec vénusté les modulations de l'aube et du crépuscule, on en trouve deux bien tranchés :
votre intuition vous permet de partager quelques-uns des concepts exprimés, voire même d'avoir une perception plus précise de ce que recouvre cette dépendance « cosmique ». (Dans ce cas, vous aurez eu de l'indulgence devant les tentatives faites par un gaucher pour éclairer sa lanterne.)
pour pallier une inaptitude à franchir le pas vers le non-rationnel, à dépasser la platitude du doute pour l'excitation de l'incertitude, vous avez besoin d'un modèle structuré et éprouvé qui ne laisse rien dans l'ombre. La persistance du magnétisme à travers l'Univers a, aujourd'hui, le même degré de réalité scientifique que la gravitation. Le magnétisme est un objet d'études très convoité, aussi il n'est pas impossible qu'un tel modèle assorti à une fringante théorie puisse voir le jour
Peut-être même est-il déjà dans les cartons. Mais la lumière escomptée pourrait aussi se faire au détour d'une nouvelle découverte, d'un nouveau concept, dont on ne perçoit même pas encore les prémices. Attendre et voir venir. L'option de repli.
Deux alternatives apparemment peu conciliables et que tout semblerait opposer si n'était la troisième, la plus stimulante, car l'expression d'un devenir, d'une démarche plus individuelle :
convaincu d'aucune dépendance, et aimant la marche, la traversée du désert est un appel envoûtant. Rendu sur la margelle du puits, l'eau de l'outre aura la fraîcheur des profondeurs. Alors, si toujours curieux, dans la griserie d'incertitudes d'Arlequin plus naïves que maladives, il sera bien temps d'interroger elfes et gnomes ondins sur l'origine de la source.
Par une voie ou par une autre, savoir ménager une passerelle à l'intuition, à la non-raison qui n'est que la raison en liberté (certains ont choisi de l'appeler déraison) est une question d'équilibre. Cela n'engage à rien
un rien qui, le moment venu, saura faire valoir sa densité. L'équilibre n'est pas affaire de croyances. La découverte de l'inconnu n'obéit à aucun canon tutélaire. Le chercheur le scientifique tout comme celui qui se sent l'âme prospective dans sa démarche cognitive, lorsqu'il se laisse entraîner par une intuition lutine, franchit d'un pas léger le Rubicon des préjugés.
C'est un peu ce que Virgile tentait de communiquer à un ancien collègue, un scientifique « pur et dur », physicien et croyant. Le trait est commun. La gageure d'associations contre nature se résout parfois dans leur complémentarité, voire dans leur relativité, ou simplement en communiquant par le point commun de leurs extrêmes. Mais le compère qui venait d'entreprendre Virgile devait assez peu connaître cette vertu du cercle, car il se piquait, lui, d'être grand pourfendeur d'astrologues, réducteur impénitent d'irrationnel, bouteur de kabbalistes en tous genres, et fourbissait des résolutions d'un genre tout inquisitorial dénuées de la moindre relativité. Dans la tour carrée de ses certitudes bien pensées, il n'aura pas entendu : « Gaucher, mon frère, prends soin de toi, car tes certitudes lorsqu'elles vont se craqueler, tout ton intuitif flétri et en déroute, tu seras devenu incapable de répondre à tes plus élémentaires demandes et tu iras vendre les restes de ton âme en lambeaux aux disciples de Freud. »
Croyance rationnelle et réalité irrationnelle
Je n'ai jamais vu un trou noir, pas plus que je n'ai vu une aura. Et pourtant les deux me fascinent.
On peut rêver à ces gloutons, aspirateurs de l'astral, que personne non plus n'a jamais vus de visu. Fantômes en négatif, plus pleins de pleins que de vides, c'est leur singularité de ne pouvoir être vus. La densité, et partant l'appétit d'un trou noir sont tels qu'il retient tout; même les photons ne vont pas assez vite pour échapper à l'emprise de sa serre pesante. Mais l'existence des trous noirs est aujourd'hui suspectée avec un degré de conviction qui approche la certitude. Même fantomatiques, mais à l'image de la pomme qui tombe justifiant de l'existence d'ondes gravitationnelles, les trous noirs permettent d'expliquer des comportements d'autres corps célestes qui, sans ces « abstractions concrètes », seraient incompréhensibles. Ce sont leurs effets qui rendent les trous noirs réels, presque tangibles phénomènes nouménaux. Mais, en dépit de la croyance rationnelle que l'on peut avoir dans les trous noirs, leur fonctionnement et leur structure demeurent encore, et pour le moins, mal élucidés euphémisme pour éviter de dire occultes.
En revanche, et bien que cela semble à première vue fort éloigné, l'aura magnétique qui entoure tout individu demeure une réalité irrationnelle, car une aura n'est « visible » que par très peu, trop peu pour être crédible aux yeux de tous. Et pourtant, le champ magnétique que chacun génère est aussi « rationnellement » réel qu'un trou noir cosmique. Aura ou trous noirs, ce sont leurs effets qui les rendent réels. De leurs causes, on ne sait pour ainsi dire rien. Plus qu'un sens intuitif, le sens magnétique est reconnu comme un sens authentique chez certains animaux, et perdu ou en sommeil chez l'humain. À propos de ce sens, Jacques Ninio [16] apporte des éléments qui permettent de penser qu'il n'est pas enfoui très loin : « Le cerveau humain a choisi de balancer par-dessus bord quelques-uns des instruments de mesure qu'utilise l'animal, ou de ne plus se soucier de leurs indications, comme le sens magnétique
L'homme, ou certains hommes, serait-il sensible au champ magnétique ? Les données actuelles sont contradictoires et peu convaincantes. Sachant que des bactéries, des insectes, et peut-être des baleines et des oiseaux se servent du champ magnétique terrestre pour l'orientation, l'homme pourrait également être doté d'un sens de l'orientation basé sur des éléments aimantés, couplés à un processeur neuronal. Mais la vie sociale développerait d'autres sens au détriment de celui-ci
J'aurais tendance à penser que la nature nous a bien dotés d'un processeur magnétique, lequel est rapidement récupéré pour d'autres fonctions. »
En attendant Bellérophon
Et dans tout ça, l'astrologie, qu'est-elle devenue ?
À la recherche de cette mystérieuse influence dont l'astrologie se fait l'écho, nous voulions savoir si la Science aurait mis le doigt sur des éléments nouveaux susceptibles de donner au mystère des cartes du ciel un éclairage moins chimérique. Cette investigation a révélé un éventail de prétendantes éventail qui, au train où va la « recherche », ne cesse de s'élargir , mais aucune des postulantes n'a vraiment su se glisser avec grâce dans la pantoufle de vair
Une quête qui nous a fait cheminer un moment avec une vieille compagne qui, en l'occurrence et avec une motivation différente, pour ne pas dire diamétralement opposée, soulevait des questions curieusement analogues. «
Nous avons été amenés à assigner à la matière des influences qui dépassent largement celles auxquelles nous sommes habitués. Il y aurait en quelque sorte deux niveaux de contact entre les choses. D'abord celui de la causalité traditionnelle. Et puis un niveau qui n'implique pas de force d'un corps sur un autre, pas d'échange d'énergie. Il s'agirait plutôt d'une influence immanente et omniprésente qu'il est difficile de caractériser avec précision. J'aimerais bien savoir quelles sont les relations entre cette influence et l'évolution cosmique. (11) » Se pourrait-il que sur le fond, et en dépit de l'altérité des formes d'approches, la Science soit, elle aussi, sur la même piste ?
Les origines de l'astrologie remontent à un temps où l'intuition était un sens commun, un temps où les astrologues étaient encore des mages. D'une certaine façon, elle tient sa pérennité de ce passé qui lui a légué sa faculté à associer le Ciel et la Terre. Cette faculté étant très prisée des hommes de robe, elle détenait là le viatique qui lui permettra de ne pas être trop inquiétée par la clique des tourmenteurs réguliers ou séculiers. Mais l'astrologie au moins dans son pendant occidental , peu acharnée à perpétuer l'esprit curieux et « visionnaire » des mages dresseurs de ziggourats, très entichée de son chorégraphe alexandrin et de ses élucubrations enchâssées dans sa Tétrabible trigonométrique, s'abandonnant facilement aux mains expertes de clercs habiles à manier la scolastique, s'est laissé infiltrer et conditionner par la Pourpre, et, en mal de notoriété, a pris pension dans les Cours, repaire d'éminences grises, où, pour assurer ses accointances, elle a fini par brûler ce qui lui restait du legs des mages. Inféodée, soumise aux devoirs d'obédience, son évolution pour plusieurs siècles subira le sort commun de l'évolution des connaissances dans le cadre « constitutionnellement » cléricalisé de l'ère ichtyopiscichrétienne. Au vent de cette ère, l'intuition, jugée trop pernicieuse, fut balayée, bannie du sens commun.
Ironie de l'Histoire, c'est par la science des astres, grâce à l'opiniâtreté de quelques esprits frondeurs et au prix de quelques renoncements extorqués, que sortira du ghetto scolastique ce qui va devenir la Science tout court. L'astrologie, pour être restée timorée dans la tourmente de la lutte pour l'indépendance, se retrouvera sur la touche, réduite à jouer dans la clandestinité, confinée dans des raisonnements spécieux assis sur ses très vénérés attendus ptoléméens. En ces temps d'émancipation, la course des astres, qui avait échauffé les esprits, résolue, leur influence métaphysique laissera froid. La nouvelle coqueluche sera moins placide. L'heure était à la vapeur et à la vitesse, et déjà se profilaient les tribulations de l'atome.
Maintenant, que l'astrologie « des temps modernes », toujours en délicatesse avec l'Académie, rencontre le persiflage de détracteurs du Zodiaque imbus de rationalité un peu vite assimilée n'a rien pour surprendre, mais qu'elle entretienne en son sein ses propres prévaricateurs gonflés d'ésotérisme scientifié peut laisser flairer la flagornerie. En fait, l'affaire se résume à de l'inconsistance assortie de fayotage, car en cette matière, le pompon revient à ces auteurs, révélateurs de l'astral, qui, à l'instar de leurs confrères psys en regard de l'« analyse » le terme, déjà, se veut avoir une consonance scientifique , n'ont d'autre obsession que celle de hisser l'astrologie au niveau d'une science vraie, d'une science exacte.
Frustration de dichotomisés. Entre art et science, la préséance n'a pas sa place. C'est l'histoire du caramel. Infâme ou succulent. La grand-maman, le cuistot ou le confiseur utilisent tous les mêmes ingrédients : de l'eau et du sucre. C'est le tour de main et le nez qui vont faire la différence. Je doute que le roux ait bon goût si du savoir-faire ne devait rester que le savoir, celui qui en l'occurrence dirait la condensation des oses et leurs ramifications par la grâce de l'hydrolyse. Dans les marmites des maîtres queux ou dans les faitouts domestiques, la gastronomie, qui reste pleine de ses traditions, sait bien s'accommoder des nouveautés nutritionnelles, mais, comme elle ne guigne pas les gloires éphémères ou les lauriers d'apparat, elle garde son âme sans souci d'une quelconque reconnaissance de l'Académie
celle du palais, autrement perpétuelle, lui suffit. Caraméliser, comme vinifier, demeure un art. La science, curieuse, l'explique
pas le justifie. Le chercheur l'apprécie.
Que la Science, par les vertus qui justifient son attirance et son pouvoir, s'autorise, avec ses subordonnées, à des alliances enivrantes plus vénales que débonnaires pour faire endosser ses frivolités contre nature, c'est dans sa logique. Pour ça, par exemple, la médecine, bonne fille, se prête assez facilement à des arrangements de complaisance. La Science acoquinée avec le militaire, cet autre fricotage-là, en raison d'un libertinage qui a vite tourné à la licence et à la luxure, n'a jamais été un mariage avoué. Mais que l'astrologie, alors que le divorce d'avec l'astronomie a bel et bien été prononcé, s'obstine à vouloir forcer la Science dans un art qui a ses règles pour arracher une reconnaissance justifiante, voilà une démangeaison qui n'engendre ni art ni science, seulement un bâtard détraqué, un fantoche mercantile en quête de jocrisses.
Mais les temps changent, et avec eux l'influence des ères. Les planètes et le Cosmos ont retrouvé la faveur et la ferveur et du public et des chercheurs. Petit à petit, la Science apporte des éléments attestant de l'existence d'influences, non pas des influences émanant d'un champ plus sirénal que sidéral, mirifiquement combiné pour turlupiner quelques accros plus souvent entichés de merveilleux que véritablement épris d'inepties, mais bien des influences parties intégrantes du flux qui irradie et vivifie un vaste réseau aux dépendances comme nulles autres captivantes. Dans cette toile, chaque nœud trouve sa raison d'être dans la convergence des voies de communication dont il est le siège (récepteur), et dans la relance de celles-ci qu'il assure en tant qu'opérateur (transmetteur). Un nœud isolé n'a jamais constitué une maille. Dans la perception de cette réalité synaptique, qui dépasse le symbolique, l'intuition réhabilitée, l'imagination restaurée, chacun sera redevenu son propre astrologue
D'ici là, on pourra convenir qu'un coup d'œil sur une carte, fut-elle du ciel, n'empêchera pas l'improvisation qui éloigne des sentiers battus, provoque l'imprévu, excite le feu de la découverte sur des chemins insolites
L'astrologie, si elle ne dispose pas de la panacée propre à interpréter les vicissitudes de l'existence, ce qui ne fait pas de doute, ou qui du moins ne sera guère disputé, c'est que la perle de l'irrationnel, la perle de l'occulte est à la portée de tous
Aussi réelle qu'un rayon de soleil qui pointe sur l'anneau d'étoiles le signe de l'ère du temps, elle brille à jamais des feux de l'Amour
et des étoiles qui savent rire
Et puis tant pis, ou tant mieux, si les astrologues ne savent pas lire dans les étoiles, car j'aime à penser qu'elles sont porteuses de messages pour ceux qui, de temps à autre, ont le goût de tourner un regard vers le ciel. C'est ce qu'expliquait le petit prince à son ami le pilote juste avant de s'en retourner [19]. « Les gens ont des étoiles qui ne sont pas les mêmes. Pour les uns, qui voyagent, les étoiles sont des guides. Pour d'autres elles ne sont rien que de petites lumières. Pour d'autres qui sont savants elles sont des problèmes. Pour mon businessman elles étaient de l'or
Toi, tu auras des étoiles comme personne n'en a
Tu auras, toi, des étoiles qui savent rire ! »
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