Relativité du firmament
L'Univers aujourd'hui astronomes et astrophysiciens commencent à être mieux outillés pour en appréhender les subtilités , loin d'être statique, est le siège d'interactions qui sont le moteur de son évolution.
Alors pourquoi l'étoilement du ciel nocturne demeure-t-il, au fil des ans, aussi semblable ? Les constellations ont-elles toujours eu la même apparence ? Lors de la dénomination originelle de ces regroupements, l'observateur avait-il plus de facilité à percevoir, à imaginer un scorpion, un lion, un bélier ou un taureau ?
En première approximation, les relevés laissés par les astronomes de l'ère de la clepsydre permettent de penser que la voûte céleste dans son ensemble ne devait pas être très différente de celle que l'on peut observer aujourd'hui. En seconde approximation, les astronomes de l'ère du quartz, ayant élaboré des systèmes d'acquisition de données assez performants, sont, semble-t-il, en mesure de pallier l'absence de photos d'époque. Les équations des trajectoires des corps célestes entrées dans les octets-mémoires d'un ordinateur permettent de « visualiser » l'apparence du ciel étoilé d'hier ou de demain. Aussi, aux erreurs d'extrapolation près qui resteront faibles si on ne s'éloigne pas trop (pour une rétrovision de quatre-mille ans un epsilon dans le décompte du temps l'erreur sera insignifiante) , l'image obtenue confirme que le firmament contemplé par Hammurabi ou par Hipparque ressemblait d'assez près à celui scruté par Galilée, Huygens ou Sagan [3]. Et pourtant apprentissage de la relativité le ciel astral se transforme, mais son évolution, qui enregistre les myriades de pulsions astrales, s'opère sur des échelles de temps et d'espace qui ne sont guère comparables avec les échelles réduites empruntées par la gent humaine. En fait, pour les besoins de l'observateur terrien, la remise à jour de l'atlas universel ne demande pas de révisions plus fréquentes que celles de la mappemonde, même si la tectonique galactique façonne « en continu » et avec une énergie toute googolienne le corps cosmique. Toute proportion gardée, le phénomène est comparable aux modifications enregistrées par l'écorce de la Terre qui voit ses rides se déplacer constamment au gré de la dérive des plaques. Bien sûr, les réactualisations géo- et sidérographiques pourraient être quotidiennes supernova dans le Taureau ou éruption de l'Etna, séisme dans la croûte nippone ou gloutonnerie d'un trou noir , mais, pour l'usage commun, les rééditions ne se justifient qu'à intervalles d'« ères »
à ceci près que la dernière édition du portulan céleste, pourtant si pleine de trouvailles et de détails cosmiques, n'a pas encore et n'aura vraisemblablement jamais pour cause de décalage temporel dans la réception des informations (un décalage de quelques années à quelques millions de siècles) la précision de la Géographie d'un Strabon qui, au début de cette ère, s'ingéniait à encarter la Terra cognita dans toute sa partiellité.
Quatre Grandes Années de Cassiopée
Ce triptyque sidéral représente le changement de perception de Cassiopée, la constellation en W, sur environ cent-mille ans [5]. Entre chaque « vue », environ deux Grandes Années se sont écoulées (1). Sur les chemins de visée, les différences de taille sont relatives à la magnitude absolue (l'éclat intrinsèque) des étoiles. L'échelle des distances permet d'apprécier la relativité du « voisinage » des étoiles qui « participent » à une constellation. Dans l'encart figure une comparaison des diamètres des étoiles de Cassiopée avec celui du Soleil.
Les clichés scintillants, qui, combinés, figurent le vaste Ciel, ne sont pas des instantanés tous les temps y sont captés , ce sont plutôt les matrices d'un cadastre ancestral qui étale pêle-mêle, sur un même plan, l'histoire superposée des convulsions, des bouleversements et des héritages qui ont façonné l'Univers. Parcellisation d'avant-hier, remembrements d'hier ; partitions, éclatements, acquisitions, transferts, toutes les transactions s'y trouvent inscrites
tant et si bien qu'avec un peu de discernement, certaines réactions devenant prévisibles, on pourrait supputer sur ce que sera l'agencement de demain. Par son obsolescence, l'atlas des cieux est futuriste. Le Ciel comme la Terre, si vieux, et chaque jour si nouveaux.
Épitomé pour un vade-mecum
Mais alors, si les Anciens voyaient le firmament pratiquement comme nous le voyons, dans la mise en scène des nuits étoilées, ils semblent avoir fait preuve d'une imagination extrêmement fertile.
De l'imagination ? Et comment donc ! Et plus encore ! L'imagination n'est-elle pas une proche parente de l'intuition ? Sa sœur, il me semble. Toutes deux, alors, étaient au service de l'esprit et de la science. Avec la carte du ciel découpée en constellations, chacune porteuse d'une histoire, les mages de Chaldée ne faisaient pas que perpétuer la transcription d'authentiques paraboles destinées à demeurer dans la mémoire collective, ils s'assuraient l'usage d'un véritable système unificateur de coordonnées astrales
un système qui, en raison du bien-fondé de son bon sens, s'est transmis, inchangé quant à sa matrice, à travers les âges.
Sous un ciel saupoudré d'étoiles, pour satisfaire l'envie, légitime et héréditaire, de déchiffrer, ou tout simplement pour s'y retrouver, il n'était pas meilleur moyen que celui de regrouper les étoiles par petits ensembles aux formes symboliques associées à des histoires connues de tous. Si la perspective ponctuée d'une constellation a pu parfois soutenir une idée le grec idea primitivement signifiait forme visible, aspect , cette iconographie astrale emprunta ses acteurs, domaine des dieux oblige, aux sociétaires du Panthéon. Pour le voyageur qui utilisait la voûte céleste comme une carte, sa complexité apparente se résolvait ainsi dans une toponymie aussi allégorique que théogonique. Le découpage du ciel nocturne en constellations pourvues d'appellations aisément mémorisables, car mémorables, devenait un puissant moyen de repérage mnémotechnique
et son efficacité ne s'est jamais démentie en dépit de l'usure du temps qui a émoussé une partie du sens des épigraphes originelles. Et, si avec le temps, l'accoutrement et la fantaisie qui signalaient les affectations ont pu sacrifier aux exigences des modes égyptienne, grecque ou d'ailleurs, n'en doutons pas, la dénomination des constellations ne devait rien au hasard, et elle traduisait l'expression d'un message autrement plus conséquent qu'une ancestrale zoopsie.
Avant la mise en histoires du Ciel, les étoiles le parsemaient ; dorénavant, montées en brillant de nuit, elles le préciseraient dans des figures immuables. Longtemps demeurées dans un ordre non compris qui laissait croire au chaos, les étoiles devenaient ordonnées. On parlera du Cosmos. De nos jours, les astronomes, même s'ils n'ont plus guère recours à la mythologie pour retrouver l'étoile objet de leurs délices, ne sauraient se passer du découpage en constellations, cet index primaire aussi patrimonial qu'essentiel. Et les navigateurs, qui disposent de systèmes de relèvement extrêmement précis, reliés à un réseau de satellites, se trouveraient bien démunis s'ils venaient à délaisser l'apprentissage du repérage par les astres, ces auxiliaires précieux qui n'ont jamais connu de défaillances, ni trahi ceux qui s'y sont fiés. Et, sans être astronome ou navigateur, tout un chacun au moins dans l'hémisphère nord peut repérer l'étoile Polaire, Alpha Polaris, le bout de la queue de la Petite Ourse ou, comme on me l'avait appris, le premier cheval du Petit Charriot.
Étonnant karma des mythes, toujours régénérés, sans âge, le temps est une dimension qu'ils ignorent
Les mythes sont écrits sur soie ciel de nuit. Fabuleux trésor que ces histoires gravées à l'abri des cataclysmes météorologiques, sismiques ou anthropiques. Écrire au firmament, écrire à l'encre d'étoiles, c'était écrire dans la mémoire la plus profonde des humains, y déposer une empreinte plus vive que celles d'éphémères images subliminales. Le Livre d'Étoiles était riche de toutes les expériences, quotidiennes et spirituelles, qui rythment les pulsions d'une vie. Lire dans les étoiles, c'était y rechercher des histoires aux ressorts naturellement immanents. Alors que la transmission du savoir était encore pour beaucoup affaire de bouche à oreille, c'est dans les étoiles qu'on inscrivait les histoires à connaître pour domestiquer les jours, les saisons, les années. Le firmament, avant de devenir l'empyrée chargé de menaces, fut le premier livre, ou, ce qui n'est qu'un synonyme, la première bible.
Évhéméristes, les histoires placées dans la voûte céleste si elles revêtent un aspect surnaturel ce n'est que pour mieux assurer leur pérennité. Derrière leurs appellations aux accents d'antan, ce sont des événements d'importance pour les populations autochtones qui se sont moulés dans les mythes. Bonnes ou mauvaises récoltes, inondations, sécheresses, guerres, rébellions, victoires ou défaites, sagesse d'un monarque, tyrannie d'un despote
De tout cela, les mages chaldéens tenaient des archives minutieuses. Minutieuses, mais pas éternelles. À la lente usure du temps s'est substituée la brutale et dévastatrice loi des conquêtes ; de ces registres poinçonnés dans l'argile, nous ne connaîtrons que des vestiges épars, des souvenirs déformés ou dénaturés. Transcrites au firmament, ces histoires, leur essence à tout le moins, étaient en lieu plus sûr.
C'est à dessein que la constellation qui portait la marque du soleil levant lors de la période des pluies (période correspondant dans notre calendrier à janvier février) a été associée au Porteur d'eau. (Ce sens a été conservé. Aquarius pour les Romains, c'est notre Verseau.) Mais ce personnage de constellation, comme n'importe quel personnage de composition, était aussi porteur d'une histoire, d'un caractère. Guignol véhicule la raillerie, l'impertinence, le défi à l'autorité ; Cyrano, c'est le cœur généreux et l'esprit brillant ; quand maître Renard paraît, on voit la ruse. Sous les traits du porteur d'eau, dans une de ces ballades que colportaient les rhapsodes, on découvre un éphèbe d'une grande beauté, Ganymède, le fils du roi Tros. L'histoire raconte que Zeus avait enlevé le jeune Troyen après avoir pris les apparences d'un aigle immense, l'oiseau-tonnerre ; devenu immortel, Ganymède va remplacer la jeune Hébé dans son rôle d'échanson auprès des dieux de l'Olympe. Au firmament, le grand oiseau réside dans la constellation de l'Aigle située à proximité de la constellation du Verseau.
Cette fable, nième mue d'une histoire qui fut vraie, n'a plus que les apparences d'un mythe au sens oublié. Ganymède, le porteur d'eau, c'est l'adaptation grecque de l'histoire que la constellation avait véhiculée sous le ciel d'Égypte
une histoire qui parlait des eaux du Nil et de ses divinités
après avoir emprunté et transformé le contenu chaldéen
héritage d'une source qui disait « l'Eau » et exprimait l'origine de sa féconde plénitude.
Pour des raisons qui ont servi à justifier la raison, à l'Académie et au Lycée, on décrétera que l'observation topographique du Ciel n'était qu'une activité ludique, dépourvue de sens, qui pouvait rester l'apanage des peuples barbares du Levant. Seule la perfection de l'agencement astral, sa musique, pouvait retenir l'attention de l'homme cultivé, raisonnable. Schizophrénie. Poussé par les vents de la sophistique, le Ciel se dérobait, entrait dans l'occulte
pour au moins deux-mille ans. Pris dans cette mouvance révisionniste venue de l'Attique, l'évangéliste, en lycéen averti, déjà au fait des artifices les plus propices à catéchiser l'ilotie, pour justifier de la pertinence de l'astre annonciateur, se devra de mettre en scène, et d'entrée de jeu, « des mages venus d'Orient »
sous-entendu de là où l'on savait lire les histoires écrites dans les étoiles.
Paléouranologie
Le puzzle des constellations s'est enrichi au fil des voyages sous tous les cieux de la planète. De quarante-huit répertoriées par Ptolémée, c'est aujourd'hui quatre-vingt-huit constellations qui servent à diviser la sphère céleste, soit autant de départements, chacun doté de son image et de son histoire [6] derrière laquelle se jouent des myriades de partitions stellaires.
Le lexico-archéologue de l'ère du Capricorne qui se penchera sur ce catalogue de constellations n'aura aucun mal à y distinguer les différentes périodes de dénomination de ces figures lorsqu'elles étaient vues depuis la Terre. Telescopium, Horologium, Microscopium ou Reticulum, bien que sonnant le franc latin (noms donnés par l'abbé Louis de La Caille lors de son expédition vers le cap de Bonne-Espérance au milieu du XVIIIe siècle), apparaîtront comme issues d'une lignée autre que celle des Pegasus, Gemini ou Ophiuchus. Par leur localisation dans le sud et leurs noms associés à des avancées technologiques, les premières seront des témoignages qui permettront de « dater » une époque riche en explorations à travers l'hémisphère austral.
Quant aux constellations primordiales, des paraboles qui leur avaient été assignées, on n'a plus que les titres mythiques, car, si le grimoire scintillant n'est pas perdu, la clé de décryptage, soumise aux intempéries de l'Histoire, s'est recouverte de plusieurs couches de rouille mystifiante. Mais, avec la perspicacité des archéologues de l'ère du Verseau dans leur quête des Origines dont les découvertes se feront au coude à coude et en synergie avec celles des astronomes , le fruit de la sagacité de ces fouineurs du temps pourrait bien leur restituer le sens des messages qu'elles abritaient, celui des histoires qui se racontaient la nuit sous les étoiles
avant la venue des Nephilim, « ces héros du temps jadis, ces hommes fameux » (2)
alors que les dieux étaient des déesses.
Au cœur des géodes, universelles ou chthoniennes, les cristaux sont toujours des étoiles
Et elles fascinent toujours. Les étoiles enseignent à nouveau. Une nouvelle race de mages réapprend à lire leurs histoires. Des histoires qui content l'infiniment petit et l'encore plus grand, la conception et la gestation des atomes, leurs associations et leur connivence, les secrets de la vie éternelle. Ces nouveaux mages en blouse blanche, héritiers d'une assuétude aux humeurs sophistiques, officiant dans le crépuscule de l'ère des Poissons, n'ont pas encore vraiment adopté l'aisance de la lecture naturelle. Quoique ! parfois
la dépendance se dissipant
un frémissement disert
la gnose savante se laisse aller à des accents triviaux, se donne le goût d'être vulgaire
Le parfum de l'aube peut-être ? Aube de Verseau
ère du cerveau ?
de l'affranchissement des servocrédences ?
Naine blanche et cendres d'étoiles
Depuis ce schisme (3), qui, au XVIIe siècle, a institué, ou plutôt institutionnalisé la scission entre valeurs rationnelles et valeurs irrationnelles, en démarquant les attributions de la Science des dévolutions de la Religion, la Science serait-elle devenue incompatible avec la liberté d'imaginer ? Est-ce parce que nous pensons en savoir plus que les Anciens que notre fantaisie devrait lever le pied devant la poésie astrale ?
Grâce au ciel, il n'en est rien. La cosmologie, même, et plus encore, dans sa version moderne, est un vecteur d'émerveillement sans pareil qui n'interdit pas, bien au contraire, la participation de l'intuition et qui force sans retenue les portes de l'imaginaire. L'astrophysique est à n'en pas douter la « religion » du Big Bang, dans la mesure où elle saura éviter le piège du dogmatisme, est là pour le rappeler une de ces têtes de pont lancées d'une rive à l'autre au-dessus du canyon décrit, un peu par réalité, beaucoup par commodité, comme la « scissure cérébrale » qui sépare les deux hémisphères. Savoir que le Ciel est truffé de trous noirs et autres pulsars radioémetteurs ne fait que renforcer ma fascination pour le monde sidéral, un monde qui commence là, ici devant moi. Pourquoi « devant » moi ? Pourquoi mettre une telle distance entre le monde et moi ? Il commence et se poursuit bien plus près que çà.
La vie des étoiles, telle que savent aujourd'hui nous la raconter les astrophysiciens, me laisse encore plus pantois que ne pouvaient l'être mes filles réécoutant l'histoire du grand veneur de la reine qui, attendri par la frêle Blanche-Neige, ne put se résoudre à accomplir sa vile besogne et rapporta à la mégère le cœur d'une biche. Peut-on rester indifférent à l'histoire de notre fier Soleil qui, demain, lorsqu'il va se trouver en manque d'hydrogène, s'époumonera si fort qu'il va se gonfler en géante rouge, et, de son haleine brûlante, viendra assécher et faire fondre la douce Terre pour la ramener dans son giron de feu
Et ce n'est là que le début de la saga de l'astre diurne, l'histoire a une suite encore plus féerique
À ce petit jeu, le cœur de la géante ne résistera pas. Dopé à l'hélium, son cœur va se dilater, tant et si bien qu'il va devenir comme inerte, calmé sous les avalanches d'oxygène et de carbone qu'il aura éructées. La géante rouge s'alanguissant, le sortilège de la fée Stella pourra opérer et la transformer en naine blanche. Achevant la dégénérescence d'un cœur fatigué par les excès d'une vie de dissipation cosmique, la naine blanche finira par perdre jusqu'à son éclat. Et l'aventure de ce qui fut au début une modeste étoile s'achèvera dans l'ombre d'une naine noire.
On retrouve comme un air de famille dans toutes ces histoires cosmiques ; les personnages en deviennent vite familiers comme dans cette autre qui raconte comment notre planète, avec tout ce qui est dessus et dedans, provient de cendres d'étoiles qui ont fini leur vie en essaimant les noyaux lourds des fruits mûrs de leurs activités. Ces cendres, authentique manne stellaire, sont le placenta nourricier des germes d'étoiles. Un petit nuage grappille poussières et gaz
la fée Stella, complice silencieuse, le surveille du coin de l'œil, attend le moment opportun pour donner son coup de pouce. Et le nuage de cendres froides enfle, grossit, jusqu'au jour où, sous le poids des richesses accumulées, il s'effondre enfin sur lui-même donnant naissance à une irradiante toute jeune étoile. C'est ainsi que notre Soleil aurait vu le jour.
Parfum de cendres
Il y a de cela bien longtemps, dans le livre écrit à l'encre d'étoiles, se trouvait une très étrange histoire. Pour d'obscures raisons fut-elle difficile à comprendre ou à interpréter, ou figurait-elle comme un indice compromettant ? , elle se trouva effacée des registres des mages. Toutefois, comme c'était une très belle histoire, même sans tablette, on la contera encore pendant longtemps, mais ceux qui la racontaient finirent par ne plus très bien savoir en expliquer le sens. C'était l'histoire d'un oiseau fabuleux.
La version qui m'a été contée est celle que le poète Ovide disait tenir de légendes assyriennes. L'oiseau y était appelé le Phœnix
grand oiseau au plumage somptueux qui vivait dans les hautes vallées du Nil. Il faisait son nid dans les branches d'un chêne ou au sommet d'un palmier, se nourrissait dans les gommiers et les térébinthes et vivait cinq-cents ans. Lorsqu'arrivait le terme de son existence, il amoncelait des écorces de cannelier, des nards parfumés et de la myrrhe, puis, s'étant placé sur ce nid, d'un souffle l'embrasait, et se consumait en effluves odoriférants. Des cendres fertiles du bel oiseau renaîtra un jeune Phœnix qui, à son tour, vivra cinq-cents ans. Lorsque le jeune aura suffisamment grandi et pris assez de force, il s'envolera pour Héliopolis, « pays du berceau de tout dieu », là où le grand fleuve ouvre son divin delta. Ayant transporté son nid berceau du jeune Phœnix et sépulcre de l'ancien , il ira le déposer sur l'autel du temple du Soleil.
Cette histoire, aux accents de vie éternelle, imprégnée des eaux du Nil et des couleurs de l'Égypte, aurait-elle pu « inspirer » quelques scribes ?
Si l'histoire de l'oiseau Phœnix a disparu du Livre d'Étoiles, un fragment y a été réintroduit sur une page de cieux restés vierges. Pieter Keyser et Frederick van Houtman, deux navigateurs-cartographes hollandais de la fin du XVIe siècle, amoureux des étoiles et en vadrouille dans les mers du Sud, ont retracé dans ce ciel sans histoires les contours d'une constellation hôte de l'oiseau raffiné au cœur d'étoile. |