| Ce qu'il retranche d'un côté, il le reporte dans la partie opposée de son orbite où il retourne décrire une courbe d'autant plus grande, jusqu'à ce qu'il ait atteint le signe céleste où l'équinoxe assure au jour et aux ombres de la nuit une égale durée ; car alors, à mi-chemin entre l'hémisphère austral et celui où souffle l'aquilon, le point du ciel qu'il occupe est à égale distance des deux tropiques, en raison de l'inclinaison du zodiaque à l'intérieur duquel le soleil décrit en tourbillonnant sa révolution annuelle, frappant de ses rayons obliques le ciel et la terre. | Lucrèce, De rerum natura. |
Bestiaire stellaire
Endossant les éléments calendaires transmis par les mages d'Hammurabi (1), c'est l'astronome-mathématicien grec Hipparque qui a « officialisé », au ~IIe siècle, dans le monde hellénique le « marquage » de l'horizon zodiacal suivant un cercle divisé en trois-cent-soixante parties (l'idée première avait été d'incrémenter la figure à raison d'un pas par jour inscrit dans une année). Ce faisant, il a perfectionné l'usage du vieil anneau céleste en le dotant d'une origine à partir de laquelle il a recalé les anciens secteurs.
En ce temps-là, c'est l'image du bélier (attribution puisée dans la symbolique d'un peuple aux traditions pastorales le bélier est le leader du troupeau, celui qui ouvre la marche) qui était affectée à la constellation qui faisait face au soleil levant de l'équinoxe de printemps, lever qui marquait l'ouverture d'un nouveau cycle de saisons. Déférant aux us et coutumes, Hipparque (vers l'an ~130) confirma le premier jour du printemps dans son rôle de meneur, plaçant celui-ci comme jour origine de l'année étalonnée sur le Zodiaque (2). Le soleil levant du matin où le jour et la nuit font parts égales projetait alors sa marque sous Mésarthim (la dernière des quatre étoiles principales de la constellation du Bélier, à proximité des premières étoiles encartées dans la constellation des Poissons). La précision de ce repérage allait permettre à Hipparque de faire une découverte d'importance.
Mais auparavant une remarque et quelques incidences, résultat d'une observation plus attentive de la ceinture zodiacale (une carte de la voûte céleste facilitera cet exercice). Si à chacun des douze secteurs correspond bien une constellation, il ne faut pas longtemps pour s'apercevoir que les douze associations en question sont loin d'être taillées aux mêmes mesures. Certaines constellations relativement étroites comme celles du Cancer, de la Balance ou du Scorpion sont bien ciblées. D'autres sont plus étendues et présentent des zones de chevauchement avec leur voisine ; c'est le cas de la constellation du Verseau qui s'emboîte dans celle du Capricorne. En regardant entre les constellations du Scorpion et du Sagittaire, on pourra aussi trouver une étoile surnuméraire sans attribution figurative dans le bestiaire des constellations du Zodiaque. À mieux y regarder, on découvre qu'il s'agit là du pied d'Ophiuchus, le Serpentaire (le porteur de serpent, à ne pas confondre avec le Serpent qu'il porte et qui constitue une constellation à part entière). Si Ophiuchus a un pied sur le Zodiaque, son corps - la trame de la constellation - s'étale vers le nord. L'hôte mythologique de cette constellation, pour les Grecs, sera Asclépios, le dieu de la médecine que les Romains rebaptiseront Esculape. Aussi la constellation du Serpentaire n'a-t-elle jamais été intégrée dans le partage du Zodiaque, n'y ayant ni sa place ni son utilité.
Ceci explique à nouveau, s'il en était besoin, que cette ceinture d'étoiles ne sert que de zone de repère, d'écran de lecture. Quelles questions ne nous serions-nous pas posées si le Zodiaque s'était trouvé être divisé en douze petites constellations de même taille et parfaitement rangées ? L'agencement astral, n'en déplaise à Pythagore, n'est pas réglé pour satisfaire d'élémentaires combinaisons mathématiques. À première vue, « l'organisation » stellaire n'est pas quantique. À première vue, car, à seconde vue, fusion et confusion des infinitudes, dans la chaude densité des génératrices atomiques, à coup de saut quantique, on ne cesse de jouer avec les pièces d'un puzzle qui, assemblées, ressemblent furieusement à un tableau de Mendeleïev.
Glissade à travers les ères
Pour l'illustration de ce qui suit, et pour le cas où vous ne seriez pas un familier de la lecture astrale, j'ai recomposé la grille qui a été griffonnée sur un coin de nappe en papier à la lumière d'une lampe tempête, le soir de ma première initiation. Des graffitis, j'ai essayé de conserver la rusticité de représentation, gage de compréhension.
À toutes fins pratiques, dessiner à plat la projection des constellations du cercle zodiacal est une opération plus aisée que celle qui consiste à restituer sur un planisphère les contours géographiques des continents qui émaillent le globe terrestre. Avec le Zodiaque, aucun besoin de déployer de savantes échelles de proportionnalité à la Mercator. Il suffit d'ouvrir le cercle et d'étaler la bande obtenue. C'est sur ce principe qu'est construite la planche qui présente les règles zodiacales.
Selon la convention fixée dès la plus haute Antiquité, c'est la constellation désignée par le premier lever de soleil de printemps qui détermine la constellation pilote, celle qui fixe l'ère sidérale en cours. L'observation faite en cette fin de XXe siècle indique sur mon écran de contrôle zodiacal : « Constellation des Poissons - proche de la fin de zone. » C'est la situation qui est reportée sur la règle n°2. Lorsque Hipparque faisait cette même observation, le Soleil signait son lever sous Mésarthim dans la dernière partie de la constellation du Bélier (situation schématisée sur la règle n°1), donc un point qui, déjà à cette époque (3), ne coïncidait plus avec le début ou l'entrée de la constellation.
Voilà donc deux observations astrales différentes pour un regard jeté à un même moment de l'année, celui très particulier qui marque l'égalité du jour qui va grandissant avec la nuit qui, elle, va s'amenuisant. Que penser ? L'équinoxe est toujours l'équinoxe. L'erreur, si erreur il y a, ne peut pas être à ce niveau. En fait, le changement semble résulter d'une espèce de glissement, d'une sorte de dérive. Alors d'où vient cette dérive, quelle est sa cause ?
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En haut, premier plan de la projection, la bande intertropicale avec quatre marques de passage caractéristiques du soleil (solstices et équinoxes). Cette bande doit être vue superposée à chacune des règles zodiacales. L'abscisse calendaire, calée sur les solstices et les équinoxes, donne les alignements pour mettre en comparaison les trois bandes zodiacales (« ceintures » ouvertes et « mises » à plat). |
1. |
Positionnement des constellations du Zodiaque dans le ciel d'Hipparque (~IIe siècle). Le curseur d'équinoxe de printemps indique : « ère du Bélier - seconde moitié très avancée. » (Cette ère a, approximativement, couvert les deux millénaires qui ont précédé l'ère chrétienne.) |
2. |
Situation actuelle des constellations dans le Zodiaque. Le curseur indique que l'ère des Poissons tire à sa fin. |
3. |
Le Zodiaque tel qu'il pourra être observé au début de l'ère du Verseau.
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Conventions pour la lecture de cette planche. « L'entrée » de chacun des douze secteurs est signalée par la première lettre du nom de la constellation associée à celui-ci. La correspondance entre la bande intertropicale et les trois règles zodiacales s'obtient en suivant une ligne verticale. La ligne tracée à l'aplomb du 21 mars correspond au point « zéro » du cercle zodiacal : c'est le curseur indicateur de l'ère en cours. |
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L'évolution des différentes configurations du Zodiaque calées sur l'équinoxe de printemps pourrait faire penser que c'est toute cette ceinture, et avec elle toute la voûte céleste, qui a tourné vers l'est. Imaginer que toutes les étoiles se déplacent solidairement autour de la Terre nous ramènerait à une conception de l'Univers pour le moins obsolète
bien que, somme toute, pas si ancienne que cela. (Conception obsolète ? Sûrement par ses accents nombrilistes, mais pour ce qui est de la solidarité cosmique, revue et révisée au travers des cribles quantiques et radiotélescopiques, elle trouve bien à s'accommoder des liens de gravité qui unissent corpuscules subatomiques et masses galactiques
alliance d'infinitudes, encore.)
La « réalité », vous l'aurez devinée, est plus simple. La dérive observée est le résultat d'un mouvement propre à la Terre elle-même. Et, pour le comprendre, il est temps de retourner aux investigations menées par Hipparque, notamment grâce à la précision de la règle zodiacale, car c'est ce très lent mouvement, appelé la précession des équinoxes - et on va voir pourquoi -, que le mathématicien-astronome allait pouvoir mesurer.
Les relevés laissés par les mages Babyloniens - les archives livrent les noms de Nabu-Rimanni et de Kidinnu (~VIe et ~IVe siècles) - faisaient état de précédents repérages du soleil d'équinoxe sous Hamal, l'étoile la plus brillante de la constellation du Bélier, puis entre Hamal et Sheratan. Les astronomes grecs Aristarque et Timocharis avaient respectivement établi sur le Zodiaque, en ~275 et ~265, le repérage du solstice d'été et la position de Spica dans la constellation de la Vierge par rapport aux étoiles du Bélier. Grâce à ce faisceau d'observations établies sur une base commune, Hipparque pouvait mesurer que l'accord entre le retour de l'équinoxe et la marque correspondante du Soleil sur le Zodiaque n'avait pas la fixité que lui attribuaient ses Anciens. D'année en année, sur cette règle céleste, l'équinoxe revenait chaque fois « un peu plus tôt ».
Avec cette découverte, le postulat presbytérien de l'incidence, pour ne pas dire de la mainmise, du Ciel sur la Terre aurait dû voir sa validité ébranlée. Il n'en a rien été. Il n'en sera rien de sitôt. Hipparque, assurément érudit, avait-il, comme tout plébéien, oublié (ou préféré oublier) les termes originaux de la relation qui, dans le Ciel des nuits d'antan, avaient servi à établir la religion du Zodiaque-almanach annonciateur des saisons ?
la religion du temps d'avant Satan, sans plus d'Enfer que de Paradis.
Aldéramin, l'étoile polaire de demain
L'élément essentiel pour comprendre la découverte d'Hipparque peut se résumer à cette constatation : l'axe de rotation de la Terre n'a pas par rapport aux étoiles un alignement immuable ; au contraire, à l'image de l'axe d'une toupie, il décrit lentement un cône (voir la figure Toupie géolienne).
Aujourd'hui lorsque nous apercevons l'étoile Polaire, Alpha Polaris, nous savons qu'elle se situe pratiquement - et c'est la raison de son nom - dans le prolongement de l'axe des deux pôles terrestres (axe SN sur la figure). Mais Alpha Polaris, aussi appelée Cynosura (4), n'a pas toujours été, et ne sera pas toujours le point autour duquel semble pivoter la voûte céleste. Il y a plus de 5000 ans, l'étoile « polaire » était Thuban dans le Dragon, dans 5500 ans, c'est Aldéramin dans la constellation de Céphée qui jouera ce rôle, et dans 12000 ans, l'axe nord des pôles rencontrera la brillante Véga dans la constellation de la Lyre. Et puis, dans un peu moins de 26000 ans, c'est à nouveau Cynosura qui pourra repasser un temps dans le collimateur cardinal et retrouver, aux yeux des pensionnaires de la Terre, indigènes ou transhumants, quelques-unes de ses ancestrales prérogatives d'étoile polaire
si, entre temps, les pérégrinations sidérales de l'étoile ne l'ont pas trop déroutée, et si les nutations de notre planète n'ont pas trop affecté son « penchant ».
Toupie géolienne
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E : équateur.
Axe SN : axe de rotation de la Terre, incliné de 23°27' par rapport à la perpendiculaire au plan de l'écliptique.
P : plan de l'écliptique. C'est le plan dans lequel s'inscrivent les orbites des planètes, la Terre y comprise (Mercure et Pluton dérogent quelque peu à cette discipline). Dans ce plan, le plus « court » rayon de soleil qui rejoint la Terre est le rayon zénithal (RZ) (le rayon « perpendiculaire » dont l'angle d'incidence est nul).
L'intersection du rayon zénithal (RZ) avec des latitudes terrestres particulières permet de définir quatre points de passage caractéristiques : les jalons qui signalent l'ouverture des quatre saisons (les indications de saisons de cette légende sont « nordistes »).
1 : équinoxe de printemps : intersection avec l'équateur (point vernal).
2 : solstice d'été : intersection avec le tropique du Cancer.
3 : équinoxe d'automne : seconde intersection avec l'équateur.
4 : solstice d'hiver : intersection avec le tropique du Capricorne (c'est la situation présentée sur cette figure).
Toujours dans le plan de l'écliptique, mais loin, beaucoup plus loin, se nichent les étoiles qui habillent le Zodiaque.
Concernant cette superposition de mouvements giratoires appliqués à la Terre, l'image à visualiser serait celle d'une toupie inclinée pivotant rapidement d'ouest en est (flèche sur l'équateur) dont l'axe de rotation décrirait lentement d'est en ouest un bicône (flèche sur le cône). Sans entrer dans des détails qui figurent dans les ouvrages spécialisés, on peut indiquer ici que ce mouvement « annexe » est une conséquence de l'attraction de la Lune et du Soleil sur le bourrelet équatorial terrestre. |
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Un an tropical et des poussières sidérales L'équinoxe se définit par ce « jour » fait d'un partage égal entre la nuit et le jour, jour qui va voir le Soleil culminer au-dessus de l'équateur au moment où il va passer au zénith
juste avant de « basculer » d'un hémisphère dans l'autre. Un tel alignement se produit à deux reprises au cours d'un cycle annuel. Une première fois, lorsque la transition se fait de l'hémisphère austral vers l'hémisphère boréal (point 1 sur le schéma), elle donne le signal de l'ouverture du printemps dans l'hémisphère nord ; six mois plus tard, la transition inverse (point 3) s'opère au bénéfice d'un nouveau printemps dans l'hémisphère sud. Au nord comme au sud, les effets sont analogues bien que toujours symétriques. Au cours du cycle nycthéméral qui suit l'équinoxe de printemps, le jour prend l'ascendant sur la nuit ; c'est le contraire dans la version équinoxe d'automne. Fruit d'une considération hémisphérique à l'arbitraire nordiste sorti d'une préséance historique, le point 1 porte le nom de point vernal (5).
La conjonction particulière de l'alignement du Soleil avec le point vernal se répétant à intervalles réguliers, l'entretemps correspondant a pu être mesuré avec précision. Entre deux passages consécutifs, soit entre deux débuts de printemps, il s'écoule 365j 5h 48min 46sec. En raison de la référence prise pour effectuer cette mesure - la trace zénithale du Soleil sur l'équateur, le tropique médian -, elle a pris le nom d'année tropicale (6). Chronométrer la planète avec une telle acuité semble tenir de la galéjade ; pourtant, on va le voir, cette mesure très affilée est loin d'être anecdotique, car approcher une telle précision était une condition essentielle pour élucider le mystère de ce fameux glissement zodiacal. Cette mesure de la révolution tropicale du Soleil allait être confrontée à une autre mesure qui a été faite avec autant de précision : celle du temps que met la Terre pour parcourir une orbite complète, c'est-à-dire pour boucler, autour du Soleil, exactement trois-cent-soixante degrés. Pour effectuer cette mesure, il faut avoir recours à un repérage sidéral, c'est-à-dire un repérage qui prend son référentiel dans les étoiles. Pour ce faire, on choisit des étoiles « suffisamment » éloignées pour qu'elles paraissent quasiment « fixes » (7); par exemple, la mesure de l'intervalle de temps qui sépare deux conjonctions Soleil-Terre-Antarès. (Antarès - étoile du Zodiaque à 424 années-lumière qui brille dans la constellation du Scorpion - fait très bien l'affaire pour ce type de détermination, mais le choix d'une étoile-référence étant pour ainsi dire illimité, on peut multiplier les vérifications.)
La mesure de temps obtenue par repérage sidéral pour une révolution circumsolaire est de 365j 6h 9min 10sec. Cette valeur exprime la durée de ce que l'on appelle, logiquement, l'année sidérale.
Vous aurez tout de suite remarqué que cette seconde mesure, si elle est voisine de la première, n'est pas identique. Elle est plus longue de 20 minutes et 24 secondes
Des minutes et des secondes qui, année après année, vont faire des siècles de différence.
En termes plus imagés, cette différence entre les deux mesures traduit le retour, chaque année, du printemps vingt minutes avant que la Terre ait achevé une orbite. Un mécanicien dirait que le printemps fait de l'avance à l'allumage
avance induite par le mouvement giratoire propre à l'axe de la toupie. C'est cette particularité du retour de l'équinoxe à précéder la fermeture de l'orbite qui explique la dénomination de précession des équinoxes donnée au phénomène (plus de détails sont donnés en annexe).
Donc, dilemme, sinon cornélien, au moins séraphique. Deux mesures différentes pour définir l'année. Une est de trop. De la sidérale (une orbite complète autour du Soleil) ou de la tropique (le temps mesuré entre deux équinoxes de printemps), laquelle des deux devait porter le label « 1 an » ? Il fallait faire un choix
et ce choix-là s'est fait en sacrifiant au bon sens.
La primée fut celle qui, pour les autochtones de la planète, donnait un sens au temps, à savoir
l'année tropicale. Garder à l'année calendaire le sens du retour des saisons était tout de même plus « parlant » que celui, très guindé, de la fermeture d'une configuration géométrique.
Relativisons l'ampleur de l'adhésion à ce choix, car le jury n'était pas vraiment représentatif de tous les abonnés qui utilisaient - et utilisent encore - le Ciel pour se dater. Si cette année tropicale de 365,2422 jours, avec ses 31556926 secondes qui s'écoulent dans un cycle de quatre saisons, est devenue la référence qui sert à la division du temps en années calendaires dans la civilisation occidentale et ses collatérales, elle n'a pas encore été adoptée unanimement : les cycles lunaires ont conservé des adeptes. Les Musulmans ont opté pour une division calendaire faite d'une année de 354 jours, avec douze mois lunaires qui reviennent en phase avec les saisons tous les trente-trois ans. Il y a aussi les tenants de calendriers plus complexes qui intègrent les cycles et de la Lune et du Soleil ; c'est le cas du calendrier hébraïque directement dérivé, par un jeu d'évolutions totalement dépourvues de hasard, du calendrier babylonien. Mais enfin, d'une façon ou d'une autre, tous les décompteurs de temps sacrifient, certes avec une allégresse modulée par leur latitude d'élection, aux saisons de l'an vrai. Deux rapporteurs diligents
Ce phénomène, la précession des équinoxes, Hipparque l'avait compris, interprété et mesuré. La fiabilité du repérage sur les graduations étoilées du Zodiaque lui avait permis de déterminer la durée de l'année tropicale avec une précision telle que seulement six minutes séparent sa détermination des mesures effectuées de nos jours à l'aide d'une instrumentation autrement sophistiquée. Hipparque laissera un catalogue de plus de huit-cents étoiles, localisées avec précision et classées en fonction de leur luminosité. Trois siècles plus tard, Ptolémée, savant Grec, à la fois, dans la tradition de l'Antiquité, astronome, astrologue, mathématicien et géographe, travaillant à Alexandrie en Égypte où il avait accès aux sources les plus anciennes du savoir, complétera les travaux d'Hipparque. Vers l'an 150, dans son ouvrage, L'Almageste, synthèse détaillée des connaissances astronomiques de l'horizon hellénique, il présentera un catalogue de mille-vingt-deux étoiles, regroupées en quarante-huit constellations. Parallèlement, il rédigera une fantaisie d'érudit, la Tétrabible (les Quatre Livres), ouvrage qui, par l'entremise de certains esprits aussi malins que puritains, va s'imposer comme le canon de l'astrologie occidentale ou, ce qui va devenir synonyme, chrétienne.
Des ères de Grande Année
Nous venons de voir que le temps d'une révolution de la Terre autour du Soleil ne tient pas dans une année aux quatre saisons
Virevolte de toupie, il s'en manque de vingt minutes et quelques secondes. Aussi, d'une année à l'autre, puisque le retour de l'équinoxe n'est pas synchronisé avec la fermeture de l'orbite circumsolaire, la projection sur notre écran étoilé de l'image du soleil levant des premiers matins de printemps se décale peu à peu. Pour traverser le secteur dévolu à une constellation sur le cercle zodiacal (soit un secteur de trente degrés), le soleil de l'aube du printemps devra venir pointer 2156 fois. Deux-mille-cent-cinquante-six ans, c'est, grosso modo, le temps imparti à une ère. Aussi, petit à petit, l'observateur patient constatera qu'après 25868 ans, le premier soleil de printemps aura passé en revue toutes les constellations du Zodiaque. C'est ce cycle, de près de deux-cent-soixante siècles, assorti de la succession de douze ères constellaires, qui, dans le jargon de l'astrologie, correspond à la Grande Année (8). L'ère des Poissons tire à sa fin. Le prochain changement d'ère sidérale se fera avec l'ouverture du printemps qui verra le Soleil inscrire pour la première fois sa marque sur la constellation du Verseau. C'est la situation présentée sur la règle n°3. Alors, quand pourrons-nous fêter l'arrivée de la prochaine année émergente ? Un tout petit peu de patience et vous serez fixé
enfin, presque.
Une partenaire bien balancée
Un an, quatre saisons, mais 365,2422 jours
C'est un compte malcommode. Les Anciens le savaient fort bien et avaient déjà pris des mesures pour arrondir le compte annuel des jours. Sosigène d'Alexandrie, l'astronome-géographe de Jules César, en ~46, ayant confirmé les calculs d'Eudoxe et d'Hipparque, avait convaincu le Consul d'entériner le principe de l'année bissextile : un jour de plus tous les quatre ans. Cette régularisation s'avéra encore trop imprécise, car, avec le temps, les saisons n'arrivaient plus au jour dit : avec la julienne, le décalage se faisait à raison d'un jour tous les 128 ans. En 1582, cette incongruité a donné au pape Grégoire XIII l'opportunité de passer à la postérité pour avoir traité une affaire solaire, à défaut d'être céleste. Cette année-là, une bulle ayant fait sauter une dizaine de jours, calendrier et almanach se sont retrouvés synchronisés, et pour prévenir de futurs dérèglements, le principe de l'année bissextile fut amendé : un jour de plus pour les années au label divisible par quatre, à l'exception de celles dont le millésime est divisible par 100 à moins qu'il ne soit divisible par 400 (c'est ainsi que les années 1700, 1800 et 1900 n'étaient pas bissextiles, alors que l'an 2000 sera bien doté d'un 29 février). La grégorienne est toujours en vigueur ; d'ici quelques siècles, elle devra aussi subir un ajustement, mais rien ne presse : son imprécision engendre une erreur d'un jour tous les 3000 ans
Il y aurait là presque de quoi justifier l'infaillibilité pontificale. Tout bien considéré, la Petite Année a bien des attraits. Vive, rythmée, tonique, c'est l'année naturelle, c'est l'année aux quatre saisons, l'année aux humeurs naturellement changeantes. L'autre, la Grande Année, aux ères plaquées, est plutôt surfaite. Tout juste le dodelinement nonchalant d'une toupie. |
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(1) Roi amorrite, fondateur de l'empire de Babylone au ~XVIIIe siècle. |
(2) L'appellation Zodiaque trouve son étymologie dans le terme grec zôon qui signifie animal. |
(3) La remarque, on le verra (Guerre de précession dans Des sens des signes), est « d'importance » dans la dispute sans objet qui oppose astrologues et puristes à propos de la non coïncidence des signes du Zodiaque avec les aires de répartition des constellations sur la bande zodiacale. |
(4) Cynosura, du mot grec qui signifie « la queue du chien ». D'abord appliqué à la constellation proche du pôle Nord, le vocable par la suite a désigné l'étoile Polaire [6]. (Faisant référence à la localisation particulière de cette étoile, en anglais, cynosure signifie « point de mire ».) |
(5) Du latin ver, printemps, vernalis, printanier. |
(6) La Terre étant animée d'un mouvement de rotation, la marque zénithale du Soleil « trace » à la surface de la Terre des « cercles » parallèles. On parle de tropiques (du grec tropikos, qui tourne). Ces cercles, en fait, ne présentent pas de discontinuités et la trace zénithale est simplement un « sillon » spiralé qui parcourt la zone des tropiques dans un mouvement alternatif - six mois en « montant », six mois en « descendant ». |
(7) L'étoile la plus proche du système solaire - Alpha du Centaure - irradie à un peu plus de quatre années-lumière, soit environ 268000 fois la distance Terre-Soleil, et l'étoile la plus brillante à l'œil nu - Sirius dans la constellation du Grand Chien - est plus de deux fois plus éloignée. |
(8) Ce cycle de 25868 ans, long à vue de vie d'homme, est relativement court en regard de l'âge de la Terre. En imaginant que la Terre ait une espérance de vie comparable à celle d'un humain, le cycle en question - la Grande Année - se répéterait environ toutes les deux heures ! |
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