Premiers suspects
Mais alors, pourquoi donc l'astrologie s'intéresse-t-elle au Soleil, à la Lune et aux planètes ? Voilà une pratique qui s'évertue à interpréter des vagues d'influences transcendantes qui ballotteraient les destinées. Affichant un savoir hermétique, l'astrologue jouit-il (1) d'une sensibilité particulière (sensibilité prenant là son sens premier, celui de disposition à percevoir par un sens), a-t-il un don ?
L'ésotérisme ne s'est jamais livré facilement. C'est dans sa nature. Mais entendre parler de l'influence des planètes faisait sonner une cloche. Ces astres, à la proximité relative, pourraient-ils être la source d'influences susceptibles d'agir sur notre environnement, voire d'être perçues, et partant d'orienter les comportements ? Avoir ne serait-ce qu'une petite idée sur la nature de ces influences semblait être un préalable à toute démarche informative sur les fondements extrazodiacaux de l'astrologie.
En tout état de cause, si les astres devaient avoir une influence, nos deux luminaires, le Soleil et la Lune, ont toujours eu dans ce domaine la faveur du commun, et cela bien avant que des observateurs attentifs du ciel nocturne n'y repèrent quatre corps brillants et un obscur qui planétaient nuitamment au beau milieu du firmament. Bref, une telle ronde, pour être ainsi orchestrée, devait bien être le signe de quelque dessein. Chercher à l'interpréter, c'était établir une communication avec des forces extraterrestres, des forces célestes. Les prêtres diront avec les dieux.
Dans l'Antiquité, au temps où Clio devisait avec Uranie, ces planètes, associées à des divinités, ont pris place dans la théogonie. Chacun de ces astres fut déclaré porteur d'attributs spécifiques, reflet des pouvoirs qui leur étaient prêtés.
Agglutinant les peurs au merveilleux, la bonne fortune aux misères, les interprètes « de la deuxième heure » en vinrent à normaliser et à codifier ces influences imputées aux astres, à les installer dans la tradition. En adoptant l'ordre des sphères concentriques établi au IIe siècle par l'astronome d'Alexandrie, astrologue à ses heures, on trouvait :
la Terre. Elle est le centre. Planète nourricière, elle procure les éléments de la vie physique. Elle symbolise le refuge. Son influence se traduit par la maturité et la richesse des moissons intérieures.
la Lune. Astre de la nuit, très influent. Personnifiée dans la mythologie grecque sous les traits de Séléné, la sœur d'Hélios, ses attributs sont particulièrement liés à la sensibilité intérieure, aux humeurs. Affection et réceptivité sont des qualités communiquées par la Lune qui, par son cycle, souligne sa connivence avec le caractère féminin. Aussi elle est amenée à diriger les influences ressenties au foyer. C'est également l'astre qui préside à la magie, au secret, à l'initiation.
Mercure. Romain sous ce vocable, les Grecs le nommait Hermès. C'est sa course rapide qui lui a valu sa réputation, car, parmi les vagabonds, l'astre n'est pas un fondeur. Il se fait valoir sur de courtes distances
et toujours dans la lumière du « Brillant ». Il sera le dieu subtil, au pied léger, le messager. Aussi a-t-on attaché à cette planète la vertu de communiquer la vivacité au corps et à l'esprit, la sagacité, la loquacité.
Vénus. Brillante et rassurante, originellement cette planète fut associée chez les Babyloniens à la déesse Ishtar. Ses vertus seront celles d'Hathor en Égypte et passeront à la voluptueuse Aphrodite en Grèce. Traditionnellement, son influence est restée liée à la beauté, à l'amour, à la fécondité ainsi qu'à l'art.
le Soleil. Le plus important des astres « circulants ». Il communique la force vitale, la chaleur, la force, l'activité. Shamash en Mésopotamie, il sera l'inspirateur d'Hammurabi ; Rê en Égypte, il veillera au succès de ses fils, les pharaons. Hélios en Grèce, Phœbus à Rome, c'est l'astre des rois et des vainqueurs, de la chance et de la fortune.
Mars. Chez les Babyloniens, cette planète rouge est associée au dieu de la guerre, Nergal. Chez les Grecs, puis chez les Romains, cette association martiale fut conservée. Aussi dans ses attributs on retrouve l'énergie, l'impétuosité, l'agressivité et la force physique.
Jupiter. Planète imposante, à la marche lente, elle symbolise l'autorité. Comme Mercure, elle communique des aptitudes intellectuelles, mais, avec la plénitude que confère la durée, celles-ci seront plus profondes, plus réfléchies. L'influence de Jupiter se traduit notamment par la maîtrise de soi, la sagesse et la justice.
Saturne. Dans l'Antiquité, c'est la planète obscure. Perdue dans la nuit, les Chaldéens lui prêtaient déjà des attributs funestes, tels la peur ou la mort ; l'austérité est longtemps restée attachée à son influence (2). Saturne, l'incompréhensible, recevra les attributs du maître de la vie et du temps (Chronos chez les Grecs).
Au-delà figurait la sphère des « Fixes », royaume des étoiles pérennes
antichambre du primum mobile des péripatéticiens, qui sera réhabilitée en résidence dévolue au Grand Architecte.
Ces « forces », Ptolémée les a compilées dans la Tétrabible et, plus fort, par le truchement d'arguments géométriques, explicitées. Ce thésaurus s'est révélé d'une pérennité peu commune, car, aussi surprenant que cela puisse paraître, il n'a pas donné lieu à l'intercession captieuse de diètes ou de synodes en mal de révélations, et les arguties de l'ouvrage n'ont pas eu à subir les outrages des erreurs de copie commanditées. Ou cette quadruple bible astrologique n'a pas suscité de profondes craintes quant à ses implications théologales, ou alors
elle a été tenue pour vraie.
Véritable ou inimitable ?
Cette vulgarisation des courants d'influences célestes, si elle a pu parfois agacer quelques clercs libertaires, d'Hippone ou d'ailleurs, saura aussi subjuguer plus d'un notable de la divine institution. Le très scolastique Thomas d'Aquin (3), féru de casuistique, forgera ce qui va devenir la philosophie officielle de l'Église en réconciliant la cosmologie d'Aristote révisée par Ptolémée, la foi dans la Providence et le libre arbitre indispensable à l'accomplissement individuel (4). Dans sa Summa Theologica, il expliquera que, si les astres ont bien une influence sur les affaires des hommes, la raison et la volonté obtenues par grâce divine permettront à certains ceux qui auront été touchés par la grâce de garder le contrôle sur leurs passions et de rétablir l'expression de leur liberté (5). Les octrois délivrés par la plus haute sphère, celle occupée par le Créateur l'Empyrée , ne pouvaient qu'avoir préséance sur des influences d'origines subalternes. L'adage thomiste ne manquera pas de rappeler que Astra inclinant, non necessitant (« Les astres prédisposent, ils ne contraignent pas »).
Course aux influences
Pour la classification et la justification des influences échues aux planètes, les affectateurs avaient pris en compte la vitesse de circulation. Ce critère, qui en valait bien un autre, permettait de distinguer entre les influences passagères et celles de plus longue durée. Ce mode d'appréciation est demeuré en vigueur lorsqu'il a fallu affubler d'attributions les nouvelles planètes, celles de la génération des lunettes.
Les influences passagères sont mises en relation avec les planètes dites rapides : Mercure, Vénus, Mars. La Lune « opère » dans cette catégorie. À ces astres, les astrologues prêtent des influences sur les instincts, les pulsions, l'énergie, l'intelligence.
Les influences de longue durée sont liées aux planètes moins véloces : Jupiter, Saturne, Uranus. Les modifications engendrées par leur déplacement seront lentes et progressives. Aussi leurs influences devraient-elles se faire sentir sur la personnalité et l'évolution psychique. Pour les planètes encore plus lentes, Neptune et Pluton, dont les découvertes sont relativement récentes, le « recul » manque
il faudra s'en remettre au tempérament prospectif d'un astrologue patenté.
Homo credens
Il s'agit là, somme toute, de croyances modernes ce « moderne »-là couvre la période « historique » (6) dont les fondements ont leurs racines dans un inconscient hors d'âge et qui n'attendent aucune justification d'une quelconque démonstration « expérimentale », et encore moins une banalisation par le biais d'une loi savante. Elles se sont installées en réponse à ce besoin viscéral de tisser des liens avec tout ce qui entoure, proche ou lointain, apeurant ou apaisant, un besoin de communication plus vieux que l'homme et qui trouve sa source aux confins des Origines.
Le poliçage opérant, les racines de la religion primitive enfouies, le souffle dissipé, ne sont restées que des croyances de surface remodelées pour les besoins de la cause. Une cause qui, pour le moins, a toujours trouvé son compte et son comptant dans l'entretien de l'occulte, la confection de mystères.
Aussi le propre d'une croyance consiste d'abord à demander un acte de foi de la part de celui qui n'a pas la « connaissance ». La croyance, dans son acception la plus générale, procède de l'intime conviction. Toute l'économie des croyances réside dans ce pacte personnel nourri par le gage, l'escompte et le crédit « La foi est la garantie des biens que l'on espère, la preuve des réalités que l'on ne voit pas » (7) et soutenu par la grégarité « Nul ne peut croire seul
nul ne s'est donné la foi à lui-même. Le croyant a reçu la foi d'autrui, il doit la transmettre à autrui » (8).
La foi par la vertu de son intempérance entretient les rites d'une sempiternelle obédience. L'archétype ne s'est jamais démodé. Par le jeu des subtilités d'un modem d'adaptation culturelle, les cultes, les ornements, les incantations ou les charmes ont pu donner le change quant à la polymorphie du merveilleux, du sacré, du magique. Ésotérique. Il provient toujours de la même crédence
Certains, en authentiques affidés, quêteurs de tout poil et de tout Graal, ont affecté d'y voir la source de la sapience. Elle abreuve à bon compte la veine des croyants. La connivence des pénitents, attirés par le goût de l'illusoire le prestige ou racolés sans trop savoir pourquoi, entretient la jouissance des boit-sans-soif, masque les décharges des laissés et des morts pour le compte. Celui de la foi
« opium du peuple ». Le ou les paradis sont toujours de la même venue
artificielle.
Commedia
Ésotérique le Zodiaque ? Chantez-moi plutôt un air de la musique des sphères !
L'astrologue, je l'ai déjà dit, n'est plus un mage, loin s'en faut, mais si l'astrologie a conservé les fondements prospectifs du Zodiaque, l'astrologue, depuis près de deux-mille ans, instruit des commandements de la devenue très canonique Tétrabible de Ptolémée, commémore, chaque fois qu'il dresse une carte du ciel, les harmonies célestes révélées au cœur de Pythagore
Des harmonies si captivantes qu'elles n'ont pas manqué de déclencher l'inflation des qualificatifs. Géométriques et mathématiques à l'école de Crotone ; à l'Académie, Platon leur adjoindra l'épithète esthétiques ; au Lycée, Aristote les trouvera vraiment sympathiques. Relayant, ou plutôt délayant l'ancienne partition, Thomas d'Aquin, en veine d'un aggiornamento scolastique, d'une plume très autorisée, adoptera et adaptera les harmonies cosmico-astrologiques. Moyennant quelques arrangements d'une subtilité singulièrement ésotérique, ces harmonies, gratifiées de tournures propices à déclencher l'exaltation de l'âme et à mettre sur la voie de l'Empyrée sublime, compteront parmi les raffinements du mysticisme. Tout bien considéré, nonobstant quelques réformes aux ajustements suffisamment incertains pour devenir dogmatiques, la dévotion à la carte du ciel s'est trouvée parée des attributs congrus pour figurer au rang des actes de foi conformes à la doctrine, parant du même coup l'astrologie contre de malveillantes accusations d'accointances avec l'hérésie et les astrologues de l'odeur du fagot. Restituant, par les soins d'une géométrie toute libérale, le jeu des harmonies du Cosmos, la carte pouvait se prévaloir d'être un viatique pour le septième ciel, étape obligée pour accéder à la félicité jubilatoire attachée à la neuvième sphère, le primum mobile, antichambre divine. Et puis, le Soleil passant en revue douze constellations
voilà une symbolique aux origines lunatiques et magiques qui, venue d'un temps où l'on avait facilement le sens des nombres naturels, s'est trouvée à satisfaire un accommodement catholique et apostolique.
Les sommes thomistes, pour le moins inaccessibles au profane car, sur le fond, doctement dominicaines et, dans la forme, œuvres de copistes rédigées en latin , trouveront un adaptateur, un chantre. Dans sa narration de l'odyssée tripartite de son âme au travers des neuf cercles du cône plongeant de l'Enfer, de la montagne aux neuf terrasses du Purgatoire et des neuf Ciels les neuf Ciels du système de Ptolémée canoniquement entériné qui conduisent à l'Empyrée habitaculum dei et omnium eletorum (demeure de Dieu et de tous les élus), Dante (9), mariant, en italien, le mystique au lyrique, le dramatique à l'allégorique, restituera les spirites intrications du réseau cosmique de la théologie nouvellement ravaudée.
La pomme de discorde
Mais revenons à la partie légère et chatoyante des occulteries, car c'est des planètes au bras long dont il était question.
Comment ces astres, apparemment fort distants, pouvaient et donc pourraient encore exercer une influence quelconque. Pendant des siècles, les causes de ces effets n'ont jamais été clairement définies, au bénéfice de l'astrologie qui nourrit dans cette lacune son ésotérisme. Entre la cause de l'influence (la position d'un astre) et son effet (une modification de comportement), l'astrologie était, et demeure, pour le moins assez discrète.
Des astres, des comportements. De quoi parle-t-on ici ? S'agirait-il de science ? D'astronomie mâtinée d'éthologie ?
Cela aurait pu. Mais
En marge du schisme qui a vu l'émancipation de la Science, alors qu'elle abandonnait son lot de croyances au giron clérical, un clivage annexe s'accomplissait. Longtemps, la cohabitation astro-logie-nomie, malgré quelques soubresauts de parcours, n'avait pas donné lieu à des conflits ouverts, et, concernant l'agencement astral, pendant des lustres, on n'avait guère disputé les fondements d'un sujet aux assises si conformes à l'éthique divine. Mais, là où l'astrologie pouvait se complaire à partager les frivolités du merveilleux, la Science, serrée dans le corset eschatologique, étouffait d'être réduite à jouer de l'apologétique pour satisfaire l'histoire sainte. L'aplasie guettait. Il fallut un sacré sursaut pour échapper à la subordination en défiant les flammes sanctifiantes.
Cette envie d'évasion, l'astrologie ne l'a pas partagée. Bloquée dans ses schèmes, elle restait confinée dans les sphères rouillées de Ptolémée, alors que ses consœurs, les autres sciences, comme la physique et l'astronomie, renouant avec le raisonnement déductif gouverné par les mathématiques, redevenaient sciences naturelles, « leçons de choses ».
La procédure de divorce n'a véritablement été entamée qu'à la fin du XVIe siècle pour être consommée au XVIIe alors que le règlement du contentieux ne pouvait plus être différé. L'Église n'avait rien voulu céder, l'Inquisition faisait sa loi
elle ne pourra rien contre la loi.
L'un des attendus du jugement de divorce sera édicté en 1687 par un mathématicien, physicien, astronome et penseur anglais. Ce jugement a pris force de loi, une loi qui est toujours en vigueur aujourd'hui
et dont les effets étaient déjà ressentis bien avant qu'elle ne fût énoncée. Isaac Newton, avec la loi de la gravitation universelle, venait de mettre en lumière, et en équations, les interactions existant entre tous les corps possédant une certaine masse, au premier rang desquels, les astres.
La nouvelle loi permettant de décrire et de prévoir, avec une précision proche de celle de l'observation, la trajectoire des planètes autour
du Soleil, prenant et sa liberté et son autonomie, l'astronomie allait connaître son renouveau.
Avant cette révélation sur le pivot des révolutions, l'astrologie, pour sa part, s'était toujours assez bien accommodée des nouveautés astronomiques, d'autant plus facilement que l'astronome et l'astrologue ne faisaient qu'un. Or, voilà que, pour des histoires d'orbites qui changeaient de centre, la perception des influences astrales se mettait à avoir deux visages, celui de la tradition séculaire et celui de la gravité inexplorée. Situation révélatrice d'un malaise plus profond, plus ancien, qui était trop longtemps resté camouflé derrière une unité de façade.
Perceptions lunatiques
La force de gravitation s'exprimant au travers d'un système d'interactions les ondes gravitationnelles directement associées aux masses respectives, voilà une première forme d'influence dûment reconnue entre les planètes [2, 9]. Ce premier point permet d'être assuré qu'elles ne circulent pas en toute indépendance. Pour un corps céleste, l'indépendance signifierait ne subir aucune influence extérieure, autrement dit se mouvoir de façon orthodromique. Toujours tout droit, et avec des œillères pour ne pas être tenté de dévier.
C'est cette histoire de trajectoire et de ligne droite qui a déclenché une joute qui, pour être libertine, n'en fut pas moins balistique
cible à l'appui : Cassini Ier sera la mouche.
Ce devait être un soir de pleine lune, car il fallait être un peu loufoque pour aller ergoter sur un sujet qui, à l'évidence, ne souffrait plus de discussion. La gravité avait fait ses preuves et avait bel et bien force de loi. Sans arrêt, ça satellise à tout-va en circumterrestre, ça pérégrine tant et plus sur les chemins interplanétaires par la grâce des vertus orbitales. Quant à la Lune qui allait se retrouver au milieu du conciliabule, quelques missionnaires légers comme des bibendums, envoyés par la force de la loi, se sont faits les pieds sur ses chemins poussiéreux et ont rendu témoignage.
Bref, au lieu de se laisser aller à des considérations pantoises sur les prouesses des pionniers de la navigation céleste, la discussion prit un tour qu'il convient de qualifier de circonvenant.
Pour ce qui est de l'indépendance, ta ligne droite manque plutôt de rectitude : toute trajectoire est porteuse d'une histoire. La circulation d'un mobile, c'est la mémoire de l'impact initial, la perpétuation, sereine ou comminatoire, en tout cas cinétique, de la rencontre ou de la collision avec la force impulsive qui ôte toute chance d'indépendance, si tant est qu'il y en ait jamais eue.
L'indépendance ne serait-elle qu'un mythe ?
Silence avant-coureur
Impact.
Trajectoire.
But ?
Le coup est parti hors-jeu.
Ce n'est qu'un jeu.
Du sport, quand même.
Suivent les minutes d'une diatribe facétieuse, expurgée de quelques apostrophes.
L'indépendance « vraie » réside dans l'immobilité. L'immobilité, cette forme de limite inaccessible, plus fantomatique que théorique, en fait de la même essence que celle de l'inexistant zéro absolu le zéro de température , si absolu qu'il ne peut caractériser que le néant la température n'étant que la manifestation d'une agitation des molécules donc d'un mouvement. Pour être détaché de tout, il faut être rien.
Donc dépendance. Dépendance des trajectoires un temps rectilignes, le temps que l'interaction, placée sous la houlette de gravitons, vienne perturber le droit et plat programme, engendrer des évolutions, pour le moins paraboliques, pour le plus circonvolutives.
Saut de puce ou chemin de lune.
Parlons-en de celui-là, il tombe bien. Le seul chemin qui ait toujours bénéficié de l'accord géocentrique.
Et alors ? La Lune tourne bien autour de la Terre ! La « nouvelle école » n'a pas tout aboli. Qu'est-ce qui te chagrine ? Si tu veux aussi rendre l'indépendance à la Lune, ça va te prendre plus qu'une pétition.
Sur le centre de l'orbite lunaire, je n'ai pas d'états d'âme. La Lune est le satellite naturel de la Terre, ou, ce qui tout en étant équivalent diffère par le point de vue, la Terre est au milieu du champ de course de la Lune. Mais en ce qui concerne l'axe de rotation de la Lune, là, la clarté est celle d'une nuit de nouvelle lune.
« J'avais l'impression de comprendre comme tout un chacun les raisons pour lesquelles la Lune avait une face visible et une face cachée. L'affaire allait de soi depuis que, à la petite école, j'avais mémorisé l'image ad hoc, l'image des coureurs sur la cendrée.
« Imaginez un stade, les couloirs, des coureurs, la foule. Toi, observateur débrouillard, tu vas suivre l'événement depuis le milieu de la pelouse.
« Ça y est, ils sont partis
Comme toujours, dans le sens inverse des aiguilles d'une montre comme la Lune autour de la Terre (10). Alors regarde bien
des coureurs, tu ne vois toujours que le même profil, le gauche, et ça, du début à la fin.
« L'analogie était simple et élégante. Des histoires comme ça, c'était de l'enseignement indélébile. Pas un gamin qui n'en reparlait à la récré.
Bien vu. Ma maîtresse, elle, pour figurer l'affaire du derrière caché, nous avait raconté une histoire de seau d'eau que tu fais tourner à bout de bras en tournant sur toi-même et dans le fond duquel tu n'aperçois toujours que la même face : la tienne.
Vos deux histoires métaphorisent le même enseignement. Jusque-là l'orthodoxie sélénite y retrouve son compte.
Peut-être, mais mon orthodoxie binaire n'y trouve pas le sien. Zéro égale un, j'ai toujours du mal avec ça. En fait, le malaise vient de ce que je n'ai jamais pu assimiler l'énoncé de la loi de Cassini (11).
Encore une loi ! Alors, il ne doit pas être bien sorcier de lui trouver une justification.
Aussi longtemps que tu trouves une loi idiote, il est difficile de lui trouver des justificatifs. Mais quand la loi fait l'objet d'un consensus unanime de la part des spécialistes, le béotien reste turlupiné dans son coin, grommelant contre un foutu complexe galiléen.
Voilà qui sent la frustration.
Plutôt la vieille loi ! Et celle-là, elle est tellement empirique que si tu tiens à lui trouver un lien avec un instinct déficient, il va te falloir être sacrément retors.
« Elle a quasiment le même âge que la loi de la gravitation de Newton. On commençait tout juste, dans les milieux avisés, à rendre justice à Galilée. La Terre tournait enfin, et le phénomène, dans sa nouveauté, s'il n'eut que peu d'influence sur les humeurs de la planète, asticota plus d'un de ces voyeurs de Lune entichés de leurs longues lunettes dernier cri. Par un transfert savant, on allait ausculter, analyser et résoudre le comportement bizarre des planètes dans des régressions savamment légalisées par l'Académie. La gravité s'imposait partout, rendait compte de tout
alors que l'on avait toujours fait avec sans le crier sur tous les toits.
« Bon, jusque-là, rien de bien méchant. Tout juste l'excitation provoquée par la nouvelle coqueluche relevée de la fièvre qui accompagne les révélations. (On nous refera un coup du même acabit deux siècles plus tard pour des histoires de freudaines soudainement perçues comme des sources d'analyses
En fait, des histoires exacerbées par une autre obsession, certes, tout aussi captivante que la gravité, mais, là aussi, le genre de révélation pour laquelle « nos premiers parents » n'avaient eu besoin ni d'un dessin ni d'un édit divin pour s'en prévaloir.)
Et voilà encore que ta loi turlupinante se fait attendre ! Sors-la donc, que l'on voit à quoi elle ressemble.
On y est.
« Dans les retombées de la marotte gravitationnelle, on s'évertua de bon cœur autour d'une idée fixe : les axes de rotation.
« Était-ce pour conjurer l'abjuration extorquée à Galileo Galilei ? Toujours est-il que pour faire bonne mesure, à l'axe de rotation flambant neuf de la Terre, on en dressa un à la Lune. Un kit rotatif complet, avec loi et arrêté.
« La loi prétend que la Lune tourne sur elle-même tout en conservant son orientation par rapport à la Terre. Pour justifier la cause : un attendu corsé. Il stipule que, par l'entremise des marées, le temps que la Lune met pour faire cette rotation est exactement le même que celui qu'elle met pour parcourir une orbite autour de la Terre. Conclusion du jugement sélénite sagacement entériné : c'est cette synchronisation « achevée » de la période de rotation de la Lune et de sa période de révolution autour de la Terre qui explique que la belle de nuit présente toujours la même face aux observateurs terriens.
Et qu'est-ce qui ne te plaît pas là-dedans ?
Il y a que si la Lune se conduit vraiment comme un coureur, je n'en ai jamais vu un se permettre le luxe d'une pirouette avant d'avoir franchi la ligne. La chorégraphie d'un quatre-cents est des plus simplifiée : droit devant, plein pot, même dans les courbes. Pour un cinq-mille
pareil, juste un peu moins vite. Le couloir pourrait être tout droit au lieu d'être enroulé autour d'un stade, cela ne changerait rien au comportement du coureur. Jamais, pendant la course, il ne jouera au baladin.
Doucement, on ne fait pas la course. Tu dis que le coureur ne tourne pas sur lui-même parce que tu ne vois toujours que son profil gauche ?
Cette raison pourrait suffire, mais la vraie raison est qu'il va tout droit. C'est la configuration du stade qui impose la forme de la piste, comme un astre massif fait dévier un astéroïde de sa trajectoire linéaire pour éventuellement passons sur le protocole le capturer en orbite. Du stade aux navettes spatiales, en passant par les champs de courses, les exemples d'orthodromie contrariée, de mouvements rectilignes tordus sont légions.
Tu nous as fait suivre la course depuis le milieu du stade, avec pour conséquence de ne voir que le profil gauche des coureurs. Mais regarde, si j'assiste à la course depuis les tribunes, ce que je vois est tout différent. Lorsqu'ils sont sur la ligne de départ, je vois le profil droit des coureurs, puis au milieu du premier virage ils sont de dos, dans la seconde ligne droite les voilà à nouveau de profil, le gauche cette fois, dans le second virage ils sont de face et dans la dernière ligne droite on revoit les profils droits. Donc, pas de doute, ils ont bien fait une rotation complète en faisant un tour de piste.
Bravo, la relativité va encore avoir bon dos. Si je t'ai bien suivi, tu ne vas pas tarder à dire que c'est le point de vue qui détermine s'il y a, oui ou non, rotation.
Que nenni ! Le point de vue n'a rien à voir, ou ne devrait rien avoir à voir. Le point de vue, c'est si souvent un leurre ! Ici, il ne fait que changer les apparences pour l'observateur. Le bon sens, c'est le coureur qui l'a. Seule compte sa vision de la piste, et, sauf accident, jamais il ne lui vient à l'idée de faire un tête-à-queue, pas plus qu'à un train de quitter les rails.
N'est-ce pas tout bêtement en raison de cette différence de point de vue que l'on attribue à la Lune une rotation par tour de Terre ?
« Ne pas confondre », aurait lâché mon grand-père. Ne pas confondre révolution et rotation. Tourner autour de
ce n'est pas tourner sur soi. Tourner autour, c'est un effet de la dépendance. Supprime la dépendance, et tu retrouves la linéarité. Et je le prouve
sans quitter le stade. Rotation, révolution, dépendance et indépendance sont quatre principes qui s'intègrent, s'enchaînent ou se superposent parfaitement dans une autre figure de l'athlétisme. Il suffit de prononcer le nom de cette discipline pour que les quatre se montrent aussitôt dans leur assignation respective.
Je l'ai. Le lancer du marteau.
Dans le mille. Au début du mouvement, le lanceur et le poids sont solidarisés par un câble. L'athlète se met à tourner sur lui-même le plus vite possible rotation , le poids, alors subordonné dépendance , suit le mouvement à distance révolution jusqu'à l'instant où l'homme ouvre les mains, libère le poids qui, sans plus de manière circonscrite, continue tout droit indépendance. Indépendance relative, car la gravité a vite fait de limiter ses velléités autonomistes. Le vainqueur du tournoi sera celui qui aura donné à ces velléités le plus de force.
« Maintenant, est-ce que le poids a fait un tour sur lui-même au cours d'une révolution ? Sûrement pas. Il suffit de voir comment il est fixé au câble. Ce n'est pourtant pas sorcier : il y a rotation si l'axe du pivot est interne au corps considéré, et révolution s'il est externe.
Mais ni la Terre ni la Lune ne sont retenues par un câble.
Peut-être pas par un câble, mais le couple gravité-inertie remplit, selon des modalités somme toute comparables, un office fort similaire quant à la « solidarisation ». La différence, heureuse pour nous, est que la Terre jouit d'une certaine liberté de mouvement : la ceinture par laquelle elle est arrimée au Soleil tient du roulement à billes qui limite les frictions. La Terre tourne autour du Soleil révolution et dépendance , ça donne les années ; la Terre tourne sur elle-même rotation et « liberté » , ça donne les jours. Des années sans les jours nous rendraient la vie infernale
Coincés sur une tranche battue par les cyclones entre un hémisphère brûlé et l'autre congelé.
Et selon ta fameuse loi de Cassini, en adaptant au couple Terre-Lune la terminologie en usage pour le couple Soleil-Terre, on aurait : la Lune tourne autour de la Terre, ça donne une année lunaire de 27 jours et quelque ; la Lune tourne sur elle-même, c'est un jour lunaire long pareillement de 27 jours. Exact ?
C'est, pour l'essentiel, ce que prétend la loi promulguée par cet astronome, une loi acceptée par ses pairs depuis trois siècles.
Une année d'un mois, un jour d'un mois ! ?
Ce n'est pas ça qui fait problème. Un jour pourrait bien être aussi long qu'une année. C'est la combinaison révolution-rotation qui règle le temps d'exposition. Regarde Vénus. L'étoile du berger tourne sur elle-même rotation en 243 jours (terrestres) et elle complète une orbite révolution en 225 jours. De la superposition de ces deux mouvements, il résulte que le jour vénusien a une durée voisine de 117 jours terrestres. Ainsi, dans le temps de ce long jour, le Soleil peut « voir » Vénus sous toutes les coutures. De ses rayons puissants, il transperce le voile sulfurisé qui masque ses formes et ses contours et la découvre totalement le temps qu'elle exécute sa langoureuse pirouette.
« Vénus montre tout
parce qu'elle tourne. La Lune, pas. D'elle, ses admirateurs n'ont droit qu'à un pseudo-profil gauche.
« C'est la soi-disant précision de son synchronisme qui laisse rêveur. À moins qu'il ne s'agisse pour le compte que d'une rêverie et que les deux mouvements lunaires se réduisent à un seul
la révolution. L'autre, la rotation, ayant une vitesse nulle, laisse alors toute latitude à l'astronome peu regardant de s'accommoder d'un simili-synchronisme qui se cale, n'ayant plus que cette option, sur une « rotation arrêtée ». Sur le stade, que tu fasses un tour de piste en 46" ou en 1' 15", pour être crédité d'un tour, il suffit de repasser la ligne ; le temps ne fait rien à l'affaire. Sans rotation, sans pirouette, tour de piste après tour de piste, le coureur coupe toujours la ligne avec la même orientation, en regardant devant lui, le nez dans l'axe de la piste, et la Lune, pleine, nouvelle ou gibbeuse, révolution après révolution, aux gesticulations de son évection et de ses librations près, ne fait pas autrement.
Alors ? Une bévue ?
Un malentendu, une histoire de figuration mal expliquée ou un truc pour initiés. Que l'on fasse des mystères avec les trous noirs, passe encore, ce sont des puits sans fond. Mais sur le cheminement de la Lune, l'heure n'est plus aux vérités cachées.
Et si la Lune, comme la Terre, avait une âme de baladine !
Plutôt un barycentre décentré ou une « lourdeur » du côté du tréfonds, pour ainsi cheminer en s'accommodant du dandinement de ses librations comme un poussah que l'on aurait basculé
vous savez, ces petits bonshommes balourds qui se replacent toujours debout, la rondeur de leurs pieds lestés orientant le magot
conformément à l'ordonnance gravifique.
Qu'est-ce à dire ? Que la Lune aurait une quille ? Qu'elle naviguerait sur un océan de gravitons ?
Cette illusion-là, au moins, a tout pour faire vrai
Remembrement
Maintenant, il est une autre forme d'influence liée au Soleil et aux planètes, plus « subtile » que la masse, si subtile que ses effets même sont encore fort confusément appréciés. Elle est si fascinante qu'elle est en passe de devenir l'une des lubies des astrophysiciens. Ils se sont mis à l'étudier sous toutes les coutures. Cette influence, nous baignons dedans aussi sûrement que les gravitons nous tiennent les pieds sur terre. Elle met en jeu des forces électromagnétiques qui, à bien des égards, recèlent encore pas mal d'occulteries chatoyantes. Fantasmagories ondulantes d'aurores polaires.
Dire que la Terre est un aimant ne surprendra plus personne : la boussole ne date pas d'hier. Les premières ont pu être ioniennes. Dans l'Antiquité, Grecs et Phéniciens savaient utiliser les étranges propriétés de ce minerai extrait de mines de la région de Magnésie (12). Ce qui est plus récent, ce sont les caractérisations de la magnétosphère et du rayonnement radio de la Terre. Les investigations dans ce domaine se développent à grande vitesse, mais il a fallu attendre la technologie des satellites et des missions interplanétaires pour saisir vraiment toute l'ampleur du phénomène et son caractère universel. La technologie est assez élaborée, mais, de la première vague de résultats, on peut retenir le message suivant : les influences conjuguées d'un champ magnétique et d'une atmosphère conduisent, sous l'influence des vents solaires (émissions électromagnétiques et corpusculaires du Soleil), à la formation autour de la Terre d'une magnétosphère qui s'étend sur plusieurs centaines de milliers de kilomètres [10].
Ce qui a été mis en évidence pour la magnétosphère terrestre a maintenant aussi été caractérisé autour de Vénus et, lors des fabuleux voyages des sondes Pioneer et Voyager, autour de Jupiter, de Saturne et d'Uranus (13). Ces informations sont encore limitées, car elles sont le fruit d'un petit nombre de missions interplanétaires. Mais le goût a été pris, il y aura d'autres récoltes
et le bruit court délit d'histrion que la cote du magnéton va grimper.
Donc, à l'intérieur du système solaire gravitent des planètes dont plusieurs sont porteuses de forts champs magnétiques, et ces champs magnétiques viennent interférer avec le ô combien plus conséquent champ magnétique « interplanétaire » engendré par le Soleil lui-même. Ce champ principal balaye toutes les planètes. En raison de la rotation du Soleil, les lignes de force de son champ magnétique enracinées dans les trous coronaux s'enroulent en une spirale d'Archimède, ou dit avec une image, forment une « jupe de ballerine virevoltante [10] ». S'il est tout d'abord interplanétaire, ce champ solaire a un rayon d'« action » qui s'étend bien au-delà de la plus lointaine de « nos » planètes, et il interfère, communique, avec « ses homologues », participe au champ galactique, au chant universel.
L'Éther des Anciens n'est donc pas vide, il semble même très plein de ces influences subtiles qu'ils percevaient comme immanentes à l'Univers. « Chaque jour de votre vie vous êtes affecté par le spectre électromagnétique. Il constitue votre principale source de contact avec le monde. » La citation ne sort pas d'une publication couleur « nouvel âge », mais constitue l'introduction d'un ouvrage qui, en 1979, présentait un récapitulatif des connaissances en matière d'ondes électromagnétiques [11]. L'auteur rappelait ensuite que le premier de ces liens est la lumière qui, constituée d'ondes électromagnétiques, nous permet d'accéder à un certain mode de perception de notre environnement.
Spectres visibles
Pour se donner une idée de la situation, conséquence de cet environnement magnétique, on peut recourir à la classique petite expérience suivante. Il nous faut un aimant assez gros et plusieurs plus petits, plus un peu de limaille de fer. Sous une grande feuille de papier, vers le centre, nous plaçons le gros aimant. Nous saupoudrons alors la feuille avec la limaille. Le résultat, vous le connaissez. On obtient le dessin correspondant aux lignes de forces de l'aimant : son spectre magnétique. Même si la forme n'est pas celle d'une spirale d'Archimède, nous allons imaginer un instant que le gros aimant représente le Soleil. Maintenant, plaçons sous la feuille les petits aimants. Vous allez vite comprendre ce qui se passe. En prenant du recul, les lignes de force de l'aimant principal restent toujours visibles dans « les grandes lignes », mais en regardant au voisinage des petits aimants, localement, des modifications importantes ont été apportées, et les formes de ces modifications sont sensibles à la proximité ou à l'éloignement des petits aimants entre eux. Tous les éléments du système interagissent. Vous avez devant vous, en très simplifié certes, une image (14) de certaines formes d'interactions qui s'exercent à l'intérieur du système solaire entre, d'une part, le champ principal engendré par le Soleil et, d'autre part, les champs plus ou moins intenses générés autour des planètes, ces derniers pouvant interagir entre eux en fonction de leurs positions relatives (15).
Nous avons perdu le nord
Cette mouvance magnétique traduit un peu de cet état de dépendance et d'interdépendance qui règne à l'intérieur du système solaire. La Terre se trouve incrustée dans un espace qui n'est pas figé. Aussi est-il peut-être temps de rappeler que le champ magnétique terrestre est déjà, par lui-même, en perpétuelle évolution ; ce champ est tout ce qu'il y a de dynamique. Le géomagnétisme, aussi, réserve bien des surprises.
Si vous avez été amené à utiliser une boussole pour prendre un cap précis ou à faire un repérage topographique, vous devez savoir qu'il faut corriger l'indication donnée par l'aiguille aimantée de la déclinaison magnétique (indiquée sur toute carte un peu détaillée), et que celle-ci fluctue dans le temps et varie avec la localisation géographique. En d'autres termes, ceci signifie que l'aiguille d'une boussole n'indique pas le nord géographique, mais qu'elle s'oriente dans la direction du nord magnétique. Ces variations sont loin d'être anecdotiques, même si, en raison de la relative proximité de ces deux nords (actuellement l'axe du dipôle magnétique terrestre est incliné d'environ 11 degrés par rapport à l'axe de rotation), on a communément tendance à les confondre et à oublier qu'il s'agit de deux entités bien distinctes qui, aujourd'hui, ne font que se croiser. Au cours du seul dernier million d'années, le champ magnétique de notre planète a inversé complètement au moins cinq fois sa polarité et, en remontant un peu plus loin, sur 76 millions d'années, c'est 171 inversions qui ont été dénombrées [12, 13]. L'étude du paléomagnétisme a transformé les géophysiciens en archéologues du champ magnétique. Le domaine est en pleine émulation. Après le pic et la foreuse, les accros du magnéton s'équipent satellite (16)
Autrement dit, sans le dire, on scrute l'aura de la planète.
L'astrophysique sort de la Préhistoire
Avec le développement des technologies spatiales, l'existence de puissants champs magnétiques et radioélectriques associés à plusieurs planètes a été confirmée. Les interactions que ces champs peuvent engendrer sont encore mal définies, mais il ne fait nul doute que des clarifications finiront par être apportées.
Le Soleil, nous l'avons dit, est pour la Terre le plus important vecteur externe d'influences magnétiques. Si les vents solaires impriment les grandes lignes, donnent les grandes tendances, d'autres magnétons, prenant leur source autour de Jupiter, de Saturne ou d'une quelque autre planète plus modestement influente, interfèrent avec le champ terrestre, et partant avec tout ce qui, par nature, a une affinité ou une sensibilité magnétotropique
et cela, plus sûrement et plus densément que les évolutions d'un lépidoptère sur les enroulements éoliens qui ourlent la planète bleue.
La fable de l'effet papillon (voir l'annexe Les ailes du vent) nouvelle version, moins auguste mais plus chromatique, du Nez de Cléopâtre (17) , comme toute fable, plus didactique que crédible, est l'aveu plaisamment déguisé des limites mathématiques et informatiques rencontrées dans l'interprétation des facteurs qui participent à la dynamique des flux qui enveloppent cette planète à la toilette plus océane que terrestre. Il ne s'agit « pourtant » que d'une dynamique pilotée par un jeu de différentiels thermiques, tous d'essence solaire.
Aujourd'hui, à tout prendre, fable pour fable, celle de l'effet magnéton, si elle paraît moins didactique pour être encore passablement occulte, est sensiblement plus crédible.
Demain les astrophysiciens découvriront d'autres types d'interactions encore insoupçonnées entre les planètes entre elles, entre les planètes et leur étoile, entre étoiles, entre galaxies. Car, si le propos est jusqu'ici volontairement resté dans le cadre « restreint » du système solaire (c'est le seul qui intéresse l'astrologie), dans l'espace intergalactique, d'autres phénomènes aux ressorts inconnus, supputés tout au plus, ont déjà été repérés. Il s'agit notamment de ces énigmatiques radiophares que sont les pulsars (ou étoiles à neutrons) qui, avec des champs magnétiques d'une intensité colossale, sans commune mesure avec celui qui excite nos boussoles, émettent tout un système d'ondes dans le domaine radio et, à des fréquences plus élevées, dans le domaine du visible, des rayons X et gamma [10, 11].
Observez une de ces féeriques photos de galaxie, repérez dans l'un des bras de la spirale flamboyante un système solaire dans le genre du « nôtre ». Essayez d'imaginer que ce « petit point » flotte et gravite comme un bienheureux au milieu de ces volutes étoilées sans subir quelque influx du « voisinage ». Fascination ou vertige, moi, je n'ai jamais pu. Est-il concevable que le stupéfiant noyau central d'une galaxie n'exerce aucune influence sur son moulinet d'étoiles ? J'allais écrire c'est une évidence. Je me méfie des évidences, mais je doute qu'un cœur de galaxie puisse vraiment rester indifférent. Ce n'est pas parce qu'elles ne sont pas définies ou connues aujourd'hui que ces influences n'existent pas. Radiogalaxies et autres quasars aux prolifiques champs magnétiques propagent au travers des espaces galactiques toutes sortes d'émissions qui révèlent déjà certaines interactions et bizarreries qui s'activent en leur sein chargé de gravitons, survolté d'incognitons. Et, entre galaxies, ce ne sont pas quelques millions d'années-lumière qui vont empêcher de communiquer par gravité interposée (18).
Ces questionnements ébouriffés nous auront au moins laissé une certitude : plusieurs générations d'astrophysiciens ont encore de très beaux jours devant eux. Les théories dans ce domaine évoluent vite (19) ; aujourd'hui certaines commencent à se tenir debout bien qu'elles aient encore un profil quelque peu simiesque.
Messages cryptés
Le Cosmos est loin d'avoir livré tous ses secrets, et je gage qu'il conservera encore longtemps ce petit côté ésotérique qui fait une grande partie de son charme. À l'occasion, il ne dédaigne pas de faire passer un message par l'entremise de quelque esprit curieux, en d'autres termes un prophète. Léon Foucault a été l'un de ces messagers. Lorsqu'en 1851, installant son pendule sous la coupole du Panthéon (une sphère de vingt-huit kilos oscillant au bout d'un fil de soixante-sept mètres), s'il semblait mettre en évidence la rotation de la Terre, Foucault venait d'installer au vu de tous une manifestation de l'une des influences les plus subtiles de l'Univers, une manifestation qui, aujourd'hui encore, ne peut être qualifiée que d'occulte (occulte ne signifiant rien d'autre que « dont la cause reste cachée, non accessible à l'expérience »). Les changements du plan d'oscillation de ce pendule (20) montrent qu'il « obéit » à des forces reliées à la masse de l'Univers, ignorant, en la tenant pour négligeable, la masse de la Terre pourtant si proche. Le pendule est sous l'influence directe du Cosmos. La Science, ne pouvant ni caractériser la source de cette influence ni la mettre en équation et encore moins en mesure, en est réduite à de savantes conjectures qui, pour le moins, retrouvent des accents de la très scolastique musique des sphères. De telles manifestations occultes, pour aussi longtemps que le mystère de leurs sources demeure inviolé, ne peuvent qu'être ressenties
savamment par certains, crédentiellement par d'autres
naturellement difficilement. |